CNCD | Pacte européen sur la migration: le Parlement européen brade les droits fondamentaux
Le CNCD (Centre national de coopération au développement), une ONG belge, a publié le mardi 28 mars 2023 un communiqué critique sur le vote du Pacte européen sur la migration et l’asile par le Parlement européen. L’issue des discussions : la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du parlement européen adopte tous les volets législatifs, entamant alors la phase d’échange entre le parlement, la commission et le conseil pour adopter le pacte en 2024. Cet événement se fait au plus grand dam des recommandations de la société civile internationale qui voient dans cette initiative une position encore plus répressive de la forteresse européenne.
Que contient ce pacte et qu’‘induit-t-il sur la politique migratoire? Retrouvez ces informations ci-dessous dans l’article signé Cécile Vanderstappen, mais aussi ici, sur le site de la CNCD 11.11.11.
Le Parlement européen perd la boussole et ne joue plus son rôle de garant des droits fondamentaux !
Ce 28 mars 2023, la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen a voté et a adopté les quatre derniers volets législatifs du Pacte européen sur la migration et l’asile. Le parlement européen donne ainsi son accord avec l’orientation répressive du pacte proposée par la Commission européenne en 2020 et est prêt à entamer le trilogue avec le Conseil et la Commission en vue d’adopter le pacte en 2024 sous la présidence belge.
Vu l’évolution des discussions, il devient de plus en plus évident qu’on se dirige vers un Pacte européen contre la migration et l’asile. Aucune modification réclamée par la société civile internationale, dont le CNCD-11.11.11, n’a été prise en compte. La politique de l’Europe forteresse onéreuse, inefficace et violatrice du droit international va donc perdurer. Depuis 30 ans, elle n’apporte aucune solution juste et durable aux Etats et aux populations dont les personnes exilées premières concernées (voir notre étude). Via ce vote, le Parlement européen accepte :
- Le renforcement de la politique d’externalisation de la gestion des questions migratoires et de l’approche hotspot qui consistent à bloquer, détenir, trier, voire expulser au plus vite les personnes exilées aux frontières. L’esprit de la Convention de Genève n’est plus dès lors que l’accès au sol européen ne donne plus accès aux corpus des droits fondamentaux européens (concept d’extraterritorialité ou de fiction juridique de non-entrée).
- Absence de garde-fous suffisants en faveur de la protection des données personnelles dont celles de mineurs (prise d’empreinte dès 6 ans). Celles-ci seront partagées à l’ensemble des agences UE (Europol, Frontex, EASO etc.) favorisant les liens dangereux entre migration, asile, insécurité et criminalité.
- L’adoption d’une procédure d’asile express basée sur le concept de pays d’origine sûre, qui revient à banaliser les refoulements. L’attention nécessaire qui doit être portée à l’analyse individuelle de la vulnérabilité des personnes exilées devient non prioritaire. Aucun recours suspensif n’est possible en cas de décision négative.
- L’impunité de Frontex est renforcée. L’absence de monitoring effectif indépendant et de mécanismes de plaintes et sanctions en cas de violations du droit international aux frontières (comme les refoulements) ne sont pas garantis.
- Le refus d’opérations de sauvetage financées par des fonds européens. Le laisser mourir et la criminalisation des secours des ONG peuvent continuer.
- L’augmentation de la détention dont celles des enfants dès 12 ans. Aucun investissement conséquent dans les alternatives à la détention. La protection temporaire (DPT) accordée aux Ukrainiens a pourtant démontré que la fluidité et l’autonomie accordée aux personnes exilées quant au choix du pays d’accueil est la clé d’une répartition équitable en Europe. Cette directive (DPT) a heureusement été conservé.
- L’absence de solidarité, faute de réforme en profondeur du Règlement Dublin (comme celle proposé en 2016 dans le rapport Wikström) : le pays de première entrée restera responsable de la gestion des demandes d’asile si d’autres critères ne peuvent être pris en compte (attaches antérieures et lien familiaux dans un pays européen). Pas de mécanisme de répartition solidaire de l’accueil permanent (seulement en cas de « crise ») et contraignant.
Il semble que le Parlement européen a perdu sa boussole et ne joue plus son rôle de garant des droits fondamentaux. Il tourne ainsi publiquement le dos à l’orientation constructive apportée par le Pacte global des migrations des Nations unies. Sa réforme a échoué. Il doit être stoppé car amender la version actuelle du pacte à la marge ne suffira pas à garantir la justice migratoire.