Soft skills : l’atout négligé de l’expérience migratoire
EMMANUELLE WERNER GILLIOZ
Cofondatrice et directrice de Yojoa
Lorsque Marion, responsable d’un centre Regus [1]Regus est une entreprise qui loue des espaces de travail aux particuliers et aux entreprises. à Genève, a sollicité Yojoa pour trouver un ou une stagiaire, nous savions que cela pourrait être une belle opportunité. Elle avait besoin de quelqu’un pour la soutenir dans la gestion de son centre. Non seulement ce stage représentait une occasion d’apprendre de nouvelles compétences, mais en plus nous avions le candidat parfait : Najibullah.
Najibullah, réfugié en Suisse depuis quelques années, avait toutes les peines à trouver un stage qui validerait son année à l’École Hôtelière de Genève. Sur notre conseil, il envoya donc sa candidature à Marion, et il obtint la place de stage. Pourquoi Najibullah a-t-il été choisi parmi les autres candidat·es reçu·es en entretien? Pour Marion, c’est son attitude et ses compétences relationnelles qui ont fait la différence. Elle l’a trouvé particulièrement motivé et déterminé, elle a été impressionnée par sa capacité à pouvoir s’adapter à différentes situations, son esprit d’équipe et sa capacité à gérer des situations de stress. Autant de compétences que Najibullah a développées durant son parcours, et à son arrivée en Suisse. Exposé à des situations extrêmes sur la route depuis son pays d’origine, l’Afghanistan, Najibullah a puisé des ressources qui lui ont permis de franchir les obstacles et d’être là où il se trouve aujourd’hui.
En Suisse, il a dû acquérir une nouvelle langue, les codes d’une nouvelle culture, apprendre à naviguer dans l’administration et bien plus encore. Il a dû s’adapter, trouver des solutions, gérer son stress, son budget, lire et comprendre des situations complexes afin de prendre la meilleure solution. Il a rencontré des personnes qui l’ont aidé, il a aidé d’autres personnes, il a vécu la solidarité et l’esprit d’équipe. Ces compétences lui ont permis de terminer un CFC de cuisinier, de commencer des études à l’École Hôtelière de Genève, et accessoirement, de devenir champion suisse de taekwondo.
Comme Najibullah, de nombreuses personnes réfugiées ont été amenées à mobiliser des ressources et qualités personnelles à travers leurs expériences de vie et d’exil. Ces compétences, bien qu’acquises dans des contextes difficiles, sont aujourd’hui des atouts majeurs dans le monde professionnel.
Contrairement aux qualifications techniques qui s’acquièrent à travers la formation ou la pratique, ces compétences douces ou «soft skills» représentent un ensemble de capacités interpersonnelles et comportementales qui définissent la manière dont nous interagissons avec autrui, gérons nos émotions et résolvons les problèmes. Elles sont de plus en plus importantes aujourd’hui. En effet, les employeur·euses recherchent des candidat·es capables de s’adapter à un environnement de travail en évolution rapide, de collaborer efficacement avec leurs collègues et de résoudre les problèmes de manière créative. Ces qualités deviennent un critère de sélection essentiel pour les entreprises qui souhaitent constituer des équipes performantes et innovantes.
Selon une enquête réalisée par le réseau social LinkedIn en 2022, 80% des recruteurs affirment que les soft skills sont plus importantes que les hard skills pour le recrutement. 93% des recruteurs ont du mal à trouver des candidats avec les soft skills adéquates[2]voir https://www.linkedin.com/pulse/most-valuable-soft-skills-work-get-hired-by-linkedin-news/ .
Comment révéler et renforcer ces compétences? Notre association a développé un programme spécifique visant à valoriser ces qualités chez les jeunes issu·es de la migration que nous accompagnons. Cet atelier intensif d’une semaine offre aux participant·es l’opportunité de retrouver confiance en elles et eux, d’identifier leurs forces, de comprendre et de gérer leurs émotions, et de renforcer leur capacité à collaborer et à s’entraider. À travers une série d’activités interactives et de jeux de rôle, les jeunes apprennent à reconnaître leurs points forts et à les mettre en valeur dans un contexte professionnel. Ils et elles acquièrent également des compétences essentielles telles que la communication efficace, la résolution de problèmes et la gestion du stress, qui leur seront utiles tout au long de leur carrière.
Enfin et surtout, nous les encourageons à cultiver leur singularité et à faire de leur expérience personnelle un atout dans leurs futures opportunités professionnelles, quelque soit le secteur d’activités concerné (bancaire, santé, logistique, juridique, etc.) .
Reconnaître les compétences des personnes réfugiées, c’est leur permettre de développer pleinement leur potentiel sur le marché du travail et contribuer à construire une société plus inclusive et résiliente.
YOJOA – YOUTH JOB ACCELERATOR | L’association Yojoa a pour mission d’accélérer l’inclusion professionnelle de jeunes issu·es de la migration, d’accompagner les entreprises et organisations vers davantage de diversité et d’inclusion. yojoa.co
Vous engagez ou souhaitez engager des personnes issues de la migration ou de l’asile ? La Charte de l’inclusion des personnes réfugiées et migrantes en entreprise peut vous intéresser.
Une charte pour l’inclusion
FAVORISER ET VALORISER L’INCLUSIONDES PERSONNES RÉFUGIÉES ET MIGRANTES EN ENTREPRISE
À l’occasion de la journée mondiale des personnes réfugiées du 20 juin 2024, SINGA, Yojoa et l’association découvrir se sont associées pour lancer la première Charte suisse sur l’inclusion des personnes ayant une expérience de l’asile ou de la migration en entreprise. Un projet que nous souhaitons élargir aux acteurs et actrices de l’insertion professionnelle.
Nous savons aujourd’hui que l’inclusion de la diversité stimule la créativité, améliore les performances économiques et sociales des entreprises, et rend leur marque employeur plus attractive. Dans un contexte où de nombreux secteurs font face à une pénurie de main-d’œuvre, les talents des personnes migrantes et réfugiées demeurent souvent inexploités.
Les entreprises signataires s’engagent à travers des actions concrètes et bénéficient d’un espace pour partager les meilleures pratiques en la matière avec leurs pairs. C’est aussi une opportunité de mieux connecter le secteur privé avec des acteurs associatifs ayant développé des services et solutions innovantes.
Les organisations à l’origine de cette initiative s’engagent à suivre et à réviser annuellement les différentes actions réalisées par les entreprises, à assurer une méthodologie et une évaluation communes ainsi qu’à partager une documentation utile et mise à jour avec les entreprises désireuses d’employer des personnes ayant le statut de réfugié par exemple. Le but étant aussi de faire front commun avec d’autres associations œuvrant dans le même secteur.
UNE INITIATIVE À SUCCÈS DÉJÀ EN PLACE
Une charte similaire lancée par SINGA existe déjà en France avec une soixantaine de signataires. La Charte suisse engage les entreprises signataires à réaliser entre 2 et 3 activités concrètes par an (par exemple, avoir des processus RH plus inclusifs, offrir des opportunités de mentorat à leurs employés, ou ouvrir leur chaîne d’approvisionnement aux entrepreneurs issus de l’immigration.
UNE SOIRÉE DE LANCEMENT
Celle-ci a eu lieu le 20 juin 2024, à laquelle asile.ch a participé pour offrir un panorama de la situation des personnes issues de l’asile face à l’emploi en Suisse. Lors de cette soirée, des témoignages de talents issus de la migration ont été partagés. Ce fut aussi l’occasion de réseauter entre entreprises et associations.
Vous voulez en savoir plus sur cette initiative ? Toutes les informations sur www.inclusionentreprise.ch
Notes
↑1 | Regus est une entreprise qui loue des espaces de travail aux particuliers et aux entreprises. |
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↑2 | voir https://www.linkedin.com/pulse/most-valuable-soft-skills-work-get-hired-by-linkedin-news/ |