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CONSEIL SUISSE DE LA PRESSE| Les assertions globalisantes et discriminatoires ne sont pas permises

Une plainte contre le contenu d’un podcast a été étudiée par le Conseil suisse de la presse (CSP). Il en ressort que « […] des assertions globalisantes ne sont pas permises, du fait qu’elles renforcent les stéréotypes et qu’elles sont dégradantes vis-à-vis d’un groupe de personnes dans son ensemble. Il doit être possible de critiquer des minorités ou des choses qui ne fonctionnent pas bien dans la société. Mais quand il s’agit de sujets complexes, controversés et chargés d’émotions, une vigilance particulière s’impose. » Ce dossier revient aussi sur l’usage dans les médias du terme « Asylant » ou « requérant d’asile ». Terme que le CSP recommande d’éviter au profit de « demandeur d’asile ». Nous rappelons brièvement ci-dessous le contexte de la plainte et partageons le résumé en français de la position du Conseil suisse de la presse.

Contexte

Le 17 janvier 2024, le site bazonline.ch (relié à la Basler Zeitung) a publié un épisode de son podcast « BaZ direkt » intitulé : « Bâle, pays de cocagne pour les criminels : ‘Nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis’ ».

Dans cet épisode, les journalistes affirmaient notamment que :

  • une nouvelle pratique policière bénéficierait particulièrement aux requérant·es d’asile,
  • les vols à l’étalage seraient en grande partie commis par des personnes issues de l’asile,
  • les requérant·es d’asile seraient « souvent agressifs, ivres ou drogués » et représenteraient une menace.

Or, plusieurs de ces affirmations étaient factuellement inexactes ou non étayées, les statistiques n’étaient pas publiées et les sources pas correctement citées. Certaines citations utilisaient un langage stigmatisant et déshumanisant.

La Freiplatzaktion Basel, une organisation de conseil pour les migrant·es, a déposé plainte, estimant que le podcast violait plusieurs principes du code de déontologie journalistique, notamment :

  • la recherche de la vérité (directive 1.1),
  • le respect de la dignité humaine (directive 8.1),
  • l’interdiction de la discrimination (directive 8.2).

Le Conseil suisse de la presse (CSP) a publié sa prise de position le 26 février 2025. Nous en partageons ci-dessous le résumé en français.

Retrouvez le texte original, la version complète (en allemand) et le résumé en italien sur le site du Conseil suisse de la presse.

Prise de position du Conseil suisse de la presse, résumé en français

« bazonline.ch » produit chaque jour un podcast sous le nom de « BaZ direkt ». Début 2024, le journal a mis en ligne un podcast intitulé « Basel, Schlaraffenland für Kriminelle: <Wir schaffen uns gerade selber ab> » (Bâle, pays de cocagne pour les criminels: nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis).

Le podcast suggérait à tort qu’une nouvelle pratique policière était particulièrement favorable aux requérants d’asile. Or la règle en question s’appliquait déjà depuis un an à toutes les personnes domiciliées en Suisse et venait tout juste d’être étendue aux étrangers.

De plus, l’affirmation selon laquelle les vols à l’étalage étaient surtout le fait de requérants d’asile n’était pas étayée, les sources n’étaient pas citées correctement et les statistiques policières n’ont pas été publiées ni replacées dans leur contexte.

Le podcast comprenait des affirmations telles que: « Die [Asylsuchenden] sind aggressiv, oft betrunken oder auf Drogen, sie sind eine Gefahr. » (les requérants d’asile sont agressifs, souvent ivres ou drogués, ils représentent une menace).

Le Conseil suisse de la presse note dans sa prise de position que de telles assertions globalisantes ne sont pas permises, du fait qu’elles renforcent les stéréotypes et qu’elles sont dégradantes vis-à-vis d’un groupe de personnes dans son ensemble.

Il doit être possible de critiquer des minorités ou des choses qui ne fonctionnent pas bien dans la société. Mais quand il s’agit de sujets complexes, controversés et chargés d’émotions, une vigilance particulière s’impose. Les auteurs du podcast n’en ont pas fait preuve. Le Conseil suisse de la presse a par conséquent constaté une violation du code de déontologie, l’épisode en question du podcast étant contraire aux principes de recherche de la vérité et d’interdiction de la discrimination.

Lien vers la page officielle

Requérant·e ou demandeur·euse d’asile ?

Par ailleurs, ce dossier fait ressortir l’usage problématique du terme « Asylant » en allemand, qui peut être traduit par « requérant d’asile » en français. Les plaignants critiquent l’emploi de ce terme, jugé négatif. Le Conseil suisse de la presse reconnait que ce mot « a aujourd’hui une connotation plutôt négative.» Il précise que Le dictionnaire Duden décrit le terme comme « souvent péjoratif » et souligne que c’est aussi le cas de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme. Le CSP poursuit en expliquant que « L’administration suisse l’a remplacé par demandeurs d’asile.»

Le Conseil suisse de la presse nuance cependant : « Toutefois, les sondages auprès de la population montrent qu’une majorité de Suisses perçoivent ce terme comme non problématique et neutre et l’utilisent comme tel. Il ne peut pas appartenir à un comité d’éthique professionnelle d’exprimer son avis sur l’admissibilité de tels termes au sens d’une « police de la langue » (voir également les avis 6/2002, 56/2002).

Par conséquent, le Conseil de presse s’abstient d’émettre un blâme, mais émet une recommandation : « Étant donné que « demandeur d’asile » est perçu comme une alternative objective et respectueuse, le Conseil de presse recommande de s’abstenir du terme problématique « requérant d’asile ».»[1]Conseil suisse de la presse, prise de position 4/2025, https://presserat.ch/complaints/04_2025/

Notes
Notes
1 Conseil suisse de la presse, prise de position 4/2025, https://presserat.ch/complaints/04_2025/