Aller au contenu
Documentation

Pessat-Villeneuve | « Un acte humanitaire qui donne un sens à l’action politique »

Le 19 juin, à Paris, s’est tenue une conférence organisée par TEDx Champ-Elysée, sur le thème « En exil: l’éducation pour se reconnecter avec les autres et avec son avenir ». Cristina Del Biaggio y était. De retour, elle nous livre ce souvenir marquant. (réd.)

Gérard nous a toutes et tous émues quand il a expliqué son expérience sur scène le 19 juin 2016, devant 450 personnes, lors d’un événement organisé par TEDx Champs Elysées [1].

Ils nous a émus avec son histoire de maire d’une petite commune rurale de France. Gérard nous a même toutes et tous fait rire quand, après son discours de 8 minutes chronométré, une fois derrière la scène et alors que son micro devait, en théorie, être coupé, on l’a entendu dire, dans la salle, « Je crois que je les ai même fait rire ».

Oui, Gérard, tu nous as fait rire quand, pourtant, tu nous parlais d’un événement qui était tout sauf rigolo. Quand tu nous a dit que le soir où tu as convoqué une rencontre avec les habitants de ta commune tu as mis une chemise blanche, pour que, le cas échéant, on puisse voir clairement les signes de la violence, si jamais elle se déchaînait ce soir-là.

carteMais ce soir-là, la main levée d’une femme a permis que ta chemise puisse rester blanche. Non tâchée de xénophobie et de racisme.

Gérard Dubois est maire de la commune de Pessats-Villeneuve, en Auvergne. Une commune de 500 habitants. Pourtant pendant quelques mois, la population du village a augmenté de 10%. C’est quand Gérard a décidé, sans trop y réfléchir, de dire oui à l’appel de la préfecture d’accueillir une centaine de migrants qui devaient être réinstallés depuis les campements de Calais.

Avant de dire oui, il s’est assuré auprès de ses conseillers que sa commune avait la capacité physique et technique de le faire. Mais il n’avait pas anticipé la colère de ses concitoyens: des murs taggués avec son nom, des lettres anonymes, des menaces de mort. Des commentaires haineux de personnes qu’il « pensait connaître ». La soirée commence sur un ton identique aux messages reçus dans sa boîte-aux-lettres et sa boîte mail. Jusqu’à ce qu’une dame lève la main et lui pose cette question simple, mais imbibée d’humanité: « Comment vont-ils, ces migrants? ».

Ce fût le tournant. A partir de ce moment, la parole de la solidarité a pris le-dessus sur la haine. Dans les coulisses, Gérard nous a raconté que quelques jours après l’arrivée du premier bus de Calais, les bénévoles étaient plus nombreux que les migrants. 60 bénévoles pour 50 migrants. Que la commune a été subermergée d’habits et nourriture pour les exilés.

Durant cinq mois, 66 migrants ont vécu dans la commune de Pessats-Villeneuve. Pendant ce temps ils ont été orientés vers d’autres centres pour que leur demande d’asile soit prise en charge. Dans les coulisses de la Bibliothèque nationale de France, là où le TEDx a eu lieu, Gérard nous a confié que quand ils et elles sont partis, il est retourné au bureau et il a « pleuré comme un gamin ». Les 5 mois de solidarité ont visiblement marqué les habitants de la commune, et son maire.

Le 23 juillet 2016, la commune organise des « retrouvailles ». Les exilés éparpillés en France se retrouvont encore une fois ensemble, l’espace d’une journée, pour se rappeler de ces 5 mois durant lesquels la commune a connu une « croissance démographique exponentielle ». Mais également une expérience du « vivre ensemble ».

Pourtant, alors que les journalistes étaient là pour témoigner des excès de rage et de xénophobie de la population, ils n’étaient plus là pour immortaliser les moments de partage et solidarité. Ils n’étaient pas là quand les migrants sont partis et ont laissé un vide dans la vie de la commune. Le « vivre ensemble » n’est, hélas, pas vendeur. Pour cette raison aussi, j’ai décidé de rendre un petit hommage à ce maire qui a décidé de donner ainsi un sens à son action politique.

Dans le bulletin municipal 2016, Gérard écrivait cela à ses concitoyens:

« Comme vous le voyez, comme vous le vivez tous les jours, notre commune a continué son chemin, sa progression, sa modernisation tout en réalisant un acte humanitaire, ce qui donne un sens à l’action politique ».

Cher Gérard, tu nous as fait rire, oui. Mais tu nous as fait aussi beaucoup réfléchir.

Cristina DEL BIAGGIO

[1] Les conférences TED (Technology, Entertainment and Design) sont une série internationale de conférences ayant comme mission de « propager des idées ». L’enregistrement de la conférence de Gérard sera mis en ligne sur Internet de TEDx Champs Elysées dans 2-3 semaines à cette adresse.

*****

Pour consulter le Bulletin municipal de Pessat-Villeneuve, avec un article sur l’accueil des exilés dans la commune (p.11) cliquer ici