Editorial | Jusqu’où?
C’est donc devenu officiel le 6 janvier après dix mois de tergiversations, c’est bien parce que le bâillon que lui imposait les policiers l’a étouffé, qu’un requérant débouté est mort à Kloten en mars dernier. Le 20 janvier, un reportage de L’Hebdo révèle les dessous de la nouvelle filière par laquelle la Suisse exporte ses mesures de contrainte en Côte d’Ivoire. Les Africains dont le renvoi fait problème y sont couramment largués sans le moindre contrôle.
Une pratique totalement aberrante, et dont la Berner Zeitung a même révélé suite à l’enquête de «L’Hebdo» qu’elle avait déjà tué, il y a un an, lorsque c’était Accra au Ghana qui était la destination passe-partout de l’Office fédéral des réfugiés (ODR). Et quelle victime: une jeune Nigériane de vingt ans sans le moindre passé pénal, morte dans un mystérieux accident de la route deux jours après avoir été «confiée» aux correspondants ghanéens de l’ODR.
Peut-on, face à cet acharnement avec lequel les autorités d’exécution sont prêtes à utiliser n’importe quel moyen pour arriver à leurs fins attendre quelque chose du monde politique? Le 18 janvier, une commission du conseil des Etats est venue appuyer une initiative du canton d’Argovie, qui prône l’internement pour une durée illimitée de tous les «récalcitrants»…
Dans cet «Etat de droit» qui se gargarise de beaux principes, tous les barrages sont en train de sauter. Le Tribunal fédéral ne vient-il pas de déclarer l’Etat juridiquement irresponsable à l’égard des Juifs refoulés à nos frontières? N’avait-il d’ailleurs pas déjà rejeté le 24 septembre 1993, faute de base légale, les demandes d’indemnisation des deux réfugiés (un Kurde et un Tamoul) revenus en Suisse après avoir été emprisonnés et torturés suite à leur renvoi (ATF 119 Ib 208)?
Tous les dérapages sont maintenant possibles, dès lors que les demandeurs d’asile sont aujourd’hui systématiquement marginalisés et considérés comme des indésirables. Les démocrates, qui ont rejoint les xénophobes ce printemps pour voter le durcissement du droit d’asile car «il faut faire confiance à nos autorités», le regretteront un jour en se regardant dans la glace. Mais il sera peut-être trop tard.
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