Admission 0% | Nouvelle jurisprudence sur la Sierra Leone. La CRA invente l’admission rétrospective
La Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA) vient de publier dans son recueil de jurisprudence, une décision datée du 8 mai 2002 qui fera date. Prenant acte de l’accord de paix signé le 17 janvier, et constatant l’évolution positive observée récemment, elle conclut: «Ainsi la situation actuelle en Sierra Leone ne justifie plus que l’on renonce de manière systématique au renvoi de tous les ressortissants de cet Etat». Fort bien. Le problème, c’est que la CRA ne s’était jamais donné la peine, pendant la guerre, de publier une jurisprudence affirmant que tous les Sierra Léonais devaient être accueillis provisoirement en raison d’un danger collectif. La statistique montre même que ceux qui fuyaient cette guerre d’une sauvagerie sans précédent étaient renvoyés à 99,6%. Ils seront heureux d’apprendre rétrospectivement, qu’ils auraient du être admis en Suisse comme réfugiés de la violence.
S’il faut une hiérarchie dans l’horreur, il est probable que la guerre de Sierra Leone, où ceux qui n’étaient pas exécutés se voyaient couramment amputés du bras ou de la jambe, serait au sommet de l’échelle. Sur les 2431 réfugiés dont la demande a été examinée de 1992 à 2001, le taux d’acceptation se solde pourtant à 0%, alors qu’on a tout de même fini par accorder l’asile à un quart des réfugiés bosniaques. Le seul Sierra Léonais à vivre aujourd’hui en Suisse avec le statut de réfugié, le doit à un mariage avec une réfugiée reconnue du Congo.
De belles promesses!
Pire, alors qu’on nous a rebattu les oreilles avec le fameux nouveau statut de protection temporaire pour les réfugiés de la violence censé justifier la dernière révision de la législation sur l’asile (un statut dont le président du Parti libéral suisse clamait à la télévision qu’il devait nous permettre d’accueillir encore plus de réfugiés de guerre), il n’y a toujours personne à avoir bénéficié de ce statut depuis trois ans. Quant à l’admission provisoire pour motifs individuels, toujours d’après les chiffres officiels, elle n’avait été accordée que dix fois à des Sierra Leonais (0,4 % des demandes) au premier janvier 2002, sans doute pour des cas médicaux gravissimes.
Pratique arbitraire
Dans leur malheur, les réfugiés sierra léonais n’auront eu qu’une seule chance: que leur gouvernement, trop occupé par la guerre, ait refusé de délivrer des laissez-passer pour permettre l’exécution de leur renvoi. Et ce n’est pas la pratique totalement arbitraire de l’ODR et de la CRA à l’égard des Africains de l’Ouest qui va les inciter à présenter plus souvent des pièces d’identité, puisque seule leur absence les protège d’un renvoi arbitraire en pleine guerre.