Editorial | N’en jetez plus
On croyait n’avoir affaire «qu’à» trois projets de loi en même temps (la révision totale de la loi sur les étrangers, la nouvelle révision de la loi sur l’asile, et l’arrêté urgent lié aux mesures budgétaires), c’était sans compter sur le zèle de nos politiciens à la veille des élections fédérales.
Depuis notre numéro de juin, l’Union démocratique du Centre (UDC) a annoncé le lancement de sa troisième initiative anti-asile, en reprenant peu ou prou les thèmes de l’initiative rejetée de justesse le 24 novembre dernier. Nous aurions dû y penser.
Puis, dans la moiteur de juillet, la commission des institutions politiques du Conseil national a mis sur orbite en les approuvant deux initiatives législatives cantonales. Celle du canton de Saint-Gall veut permettre la détention de tous ceux qui n’auront pas déposé de papiers d’identité (soit 90% des requérants…). Celle du canton de Lucerne veut supprimer toute aide au développement aux pays qui ne reprennent pas sans discuter leurs ressortissants déboutés de la procédure d’asile.
De son côté, le Conseil fédéral a pondu un arrêté allongeant la liste des pays «sûrs», et il a mis en consultation une modification de l’ordonnance sur la limitation du nombre des étrangers et une modification de l’ordonnance sur l’intégration. Ces deux projets d’ordonnance reprennent à l’avance des clauses, dont certaines sont plus que problématiques, inscrites jusqu’ici dans le projet de révision de la loi sur les étrangers.
Est-il encore possible de comprendre cette débauche d’actes législatifs ? Peut-être faut-il avoir le courage de reconnaître que notre monde politique est devenu fou. Oui fou. Frappé d’allergie maniaco-obsessionnelle au droit d’asile qui lui fait perdre toute lucidité.
Car disons-le clairement, il faut être fou pour décréter «qu’il n’y a pas de persécutions en Bosnie», un pays divisé en deux par l’épuration ethnique, dans lequel la présence de 12’000 soldats de l’OTAN reste indispensable pour assurer la sécurité.
Comme il faut être fou pour chercher à résoudre les problèmes de l’asile en proposant de mettre à la rue sans assistance, dès le 1er janvier 2004, des milliers de requérants déboutés par une non-entrée en matière.
C’est entre le 15 septembre et le 3 octobre que les parlementaires diront si cette folie a désormais force de loi. Leurs commissions parlementaires, hélas, semblent déjà gagnées par la contagion. N’attendez plus pour prémunir vos proches. Offrez-leur d’urgence un abonnement à Vivre Ensemble.
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