Témoignage | Obtention d’un permis B. Et d’un coup… tout se dénoue!
Fatuma*, jeune femme éthiopienne de vingt-trois ans, vit dans le canton de Neuchâtel depuis plus de sept ans. Elle avait seize ans quand elle est arrivée en Suisse, seule, sans aucune famille. De par son tempérament fort et son ouverture d’esprit, elle saura vite se faire des amis et s’intégrer. Elle fournit des efforts remarquables pour apprendre le français et s’adapter à notre culture. Acceptée dans une école professionnelle, en été 2006 elle obtient un CFC de dessinatrice et constructrice en machines. A la même période, elle reçoit un permis B, «un vrai statut, qui lui aurait été utile bien avant !» Lors d’une interview, Fatuma nous raconte en quoi la simple admission provisoire «l’a longtemps paralysée», au risque de se décourager et d’abandonner ses études…
Dans son pays, Fatuma avait suivi deux ans de lycée. Son rêve: obtenir son baccalauréat, puis aller à l’Université pour étudier l’histoire et la géographie. Mais la guerre a tout bouleversé.
«Ici, en Suisse, à cause de la langue, je ne pouvais imaginer faire ces études. J’ai alors cherché autre chose. Avec l’aide des profs, de l’orientation professionnelle, j’ai fait des stages. Et j’ai découvert ce métier technique, où après l’apprentissage il y avait des chances de travail. Je me suis lancée.»
Prête à tout lâcher
«Durant toutes mes études, le permis F fut pour moi un lourd handicap. Déjà pour des questions financières: je n’avais que mon assistance, qui fut encore réduite avec les changements dans la loi; et avec mon statut je n’avais pas le droit de demander une bourse. Je devais pourtant acheter du matériel, des livres, et surtout payer une assurance accident importante compte tenu du type de formation. Et puis comment payer les sorties de classe, les voyages d’études? Il fallait toujours chercher des solutions. J’étais aidée par la Direction de l’école, les profs, des connaissances, mais malgré tout c’était difficile et décourageant de devoir toujours demander.
J’avais toujours peur de risquer un renvoi. J’avais la chance de pouvoir faire des études, mais en réalité je n’osais pas croire à mes projets, comme mes autres camarades. Cela me complexait face à eux, me paniquait et m’angoissait. Plus d’une fois, j’étais prête à tout lâcher!»
Un état de stress permanent
«Cette envie de tout abandonner, c’était dans les moments les plus difficiles. Heureusement, j’ai eu beaucoup de soutien. Mais malgré tout, je n’étais jamais tranquille. J’avais très peur d’échouer, sachant qu’à cause d’un échec j’allais encore perdre du temps pour obtenir un permis B, et donc rester à l’assistance. Tous les jours, je me stressais, j’étais souvent malade, et donc souvent absente. Alors, c’était le cercle vicieux.
Les jours de congé, je n’arrivais pas à me reposer. Déjà, il fallait rattraper les jours d’absence à l’école pour raison de maladie. Mais surtout j’étais dans un état tel que ce qui me rassurait le plus c’était de continuellement travailler pour l’école. Je n’arrivais pas à m’accorder des moments de détente et à prendre suffisamment d’heures de sommeil».
Les portes s’ouvrent
Quelques semaines après l’obtention de son diplôme professionnel, Fatuma reçoit un permis B humanitaire. Du coup ses recherches de travail aboutissent:
«Très vite, grâce à ce nouveau permis, j’ai été prise chez Johnson et Johnson. J’étais intérimaire, mais c’était une très bonne expérience qui m’a permis de décrocher un nouvel emploi, cette fois stable, dans une autre entreprise du canton, plus proche de mon domicile, et surtout qui m’offre d’excellentes possibilités de me former dans mon métier. J’aurai même l’occasion de faire un stage aux Etats-Unis. Sans permis B, cette porte ne se serait jamais ouverte!»
L’avenir s’éclaircit
Fatuma était fiancée depuis quelques années à un compatriote, requérant d’asile, vivant dans le canton de Berne. Grâce à l’obtention du permis B, mariage et regroupement familial ont pu se réaliser. Deux jeunes qui souhaitaient vivre et construire leur avenir ensemble. Mais leurs deux situations précaires les amenaient de plus en plus à s’angoisser l’un l’autre.
Une autre image de soi
«Le permis F, c’est une protection que l’on nous donne. C’est bien et je suis reconnaissante à la Suisse de m’avoir accueillie. Mais tant que j’avais ce permis, je me sentais un peu comme une bactérie. J’étais presque rien. On me permettait de vivre ici, mais c’est comme si je n’avais pas un rôle, une vraie place. Le permis B, c’est un permis à l’image de mes efforts. Il me donne aussi beaucoup plus de moyens pour être active et être utile. Bref, je me sens être devenue une personne normale. Moralement, entre un permis F et un permis B, la différence est énorme, déjà rien que dans la façon dont on est vu et que l’on finit aussi par se voir soi-même. Ce qui change avec le permis B, c’est beaucoup ce sentiment d’estime à l’intérieur de soi.»
Propos recueillis par D. Othenin-Girard, Groupe accueil réfugiés, la Chaux-de-Fonds
*Pseudonyme, nom connu de la rédaction