Editorial | Entre joie et écoeurement
Sophie Malka, notre chère coordinatrice, vient d’avoir la joie de mettre au monde un magnifique petit garçon et c’est donc à moi que revient le plaisir de la remplacer pour l’édition de deux numéros de Vivre Ensemble. Nous lui souhaitons de faire le plein de douceur durant son congé maternité.
Ayant un regard novice sur le système de l’asile, je ne peux m’empêcher d’être profondément choquée par les méthodes utilisées par notre pays, et plus généralement par l’Europe, pour régler le sort des personnes à qui l’on n’accorde pas le droit de s’installer sous nos latitudes.
Comment croire que, durant plus d’une année, l’Office fédéral des migrations (ODM) s’est permis de renvoyer près de 3000 personnes sans leur laisser, de facto, la possibilité de faire recours. Et ce, jusqu’à ce que le TAF mette enfin un terme à cette pratique illégale qui scandalisait toute personne s’inquiétant du sort des demandeurs d’asile!
La méthode choisie par l’Office fédéral des migrations, appuyé par les cantons, pour renvoyer les «cas Dublin» a créé des situations personnelles insupportables et irréparables (voir notre dossier page 2). Désormais, les renvois sont notifiés 5 jours à l’avance. Maigre satisfaction. Personne n’endossera la responsabilité de ces drames personnels et, surtout, la Suisse continuera de fermer les yeux sur les conditions déplorables de vie qui attendent ces demandeurs d’asile en Italie, à Malte ou en Grèce.
Mettre sciemment des hommes, des femmes et même des enfants (p. 6) dans des situations impossibles pour s’en débarrasser semble être une spécialité de plus en plus répandue. Et surtout, une source de souffrance et de stress inacceptable. À trop vouloir mettre la lutte contre les abus au centre de ses préoccupations, le système de l’asile a des relents nauséabonds. Nos Etats en oublient les droits fondamentaux de l’être humain et ressemblent chaque jour un peu plus pour ces «individus de seconde zone» à la terre oppressive et sans espoir qu’ils ont quittée. Peut-être est-ce le but finalement. Car, comme on l’entend si souvent au café du commerce, «on ne peut pas accueillir toute la misère du monde!» Peu importe si l’on y perd notre âme au passage.
Heureusement, face à cette logique implacable et à cette froide machine étatique, il y a encore des hommes et des femmes d’exception qui continuent de croire en des valeurs telles que le respect et l’entraide. Dans ce numéro, vous découvrirez l’association Point d’ancrage (p.16), un lieu où les requérants d’asile peuvent avoir un moment de répit et le sentiment d’être compris. Car, comme l’explique l’abbé Jean-Pierre Barbey, l’éloignement de chez soi pour rechercher une terre d’accueil est l’une des épreuves les plus pénibles qu’un être humain puisse endurer. Et, durant ce long combat, certaines familles peuvent compter sur des personnes comme Marianne et Jean Buttet pour les parrainer (p.18). Grâce à eux, espérons que ce petit homme qui vient de naître du bon côté de la barrière n’aura pas, un jour, à rougir de sa nationalité.
Virginie Monnet