Aller au contenu
Notre regard

Associations | Point d’Ancrage, un service d’église expert en humanité

Point d’Ancrage est un espace d’accueil ouvert aux migrants. Ce centre fribourgeois relève de la mission de l’Eglise catholique et travaille en lien avec l’Eglise réformée. L’esprit qui anime les responsables de ce lieu est celui d’une ouverture, dans un respect profond des religions, des cultures et des origines de chaque arrivant.

Qui s’est jamais demandé ce que vit, ce que ressent, ce que peut souffrir une personne vivant en Suisse comme requérante d’asile? Tout au long de l’année, les permanents de Point d’Ancrage rencontrent ces femmes, ces hommes, leurs enfants, tous déracinés, arrachés à la familiarité de leur quartier, de leur village. L’attente du lendemain est bourrée d’angoisse : négative ou positive. La réponse vous fait basculer, en un instant, d’un côté ou de l’autre de l’existence: un avenir à construire ou le début du chaos.

L’ouverture de Point d’Ancrage est le fruit d’une formidable persévérance de quelques religieuses et religieux du canton de Fribourg. Ils étaient présents en 2001, lors de l’occupation de l’église de St-Paul au Schönberg et aux côtés des sans-papiers. Experts en humanité, ils ont eu le courage d’accueillir dans leurs couvents des personnes menacées de renvoi. Le tout a valu, pour les accueillants, quelques condamnations à des amendes, et pour les accueillis, quelques fois en tout cas, une régularisation. Affaire de persévérance…

Ne laisser personne à l’abandon

L’objectif premier des personnes qui animent le centre Point d’Ancrage est d’offrir à leurs hôtes une table d’accueil et des espaces de détente ; ça fonctionne comme ça. Le mercredi à midi est un moment particulièrement convivial. Une quarantaine d’ami(e)s de tous pays, adultes et enfants, se retrouvent pour le repas: occasion de beaucoup d’échanges, d’informations, de réconfort partagé.

C’est que la situation du requérant est fortement empreinte d’une expérience de la solitude. Bien sûr, il y a la vie dans les centres d’hébergement… mais quelle vie? Chacun et chacune se retrouve seul, face à son problème… terriblement seul. Une des particularités de Point d’Ancrage est d’offrir un service qualifié d’écoute. Un intervenant donne l’entier du temps nécessaire à chaque personne qui le sollicite pour faire le point, pour reprendre les choses depuis le départ, s’orienter dans le moment présent.

A qui Angelica peut-elle confier sa détresse? Femme d’origine éthiopienne, elle est mère de deux enfants nés de son amour avec un homme érythréen. Sa situation est tragique. L’Ethiopie menace de renvoyer ses deux enfants, reconnus ennemis, dans le pays de leur père. L’administration fédérale, elle, après étude du dossier, a finalement rejeté la demande d’asile et exige le départ de cette famille.

A Point d’Ancrage, devant de telles situations et devant tant d’autres, on n’est pas prêt de baisser les bras. Il ne s’agit pas d’entretenir de faux espoirs. Il ne s’agit, ni plus, ni moins, en un tel cas, de prendre en compte la détresse humaine: on n’abandonne pas, au bord du chemin, quelqu’un dans une telle situation. L’administration a ses raisons. La personne, elle, n’échappe pas à l’évidence qui la saisit: son retour, c’est le drame. Reste à savoir quel prochain pas accomplir! Quel contact réaliser de toute urgence? Jusqu’à quel niveau d’autorité politique va-t-il falloir recourir?

Faire tomber les étiquettes

Cette expérience vécue illustre l’engagement des responsables de Point d’Ancrage. Sa pratique est simple: accueillir la personne, l’écouter, l’accompagner ensuite dans l’ensemble de son parcours. Pour le cas où quelqu’un accepte le retour au pays, Point d’Ancrage peut lui assurer, grâce à son réseau, des adresses de maisons religieuses et des centres CARITAS locaux dans le pays concerné auxquelles il peut, s’il le souhaite, s’adresser en toute liberté.

A un moment donné, les étiquettes «requérant d’asile», «clandestin», tombent; on se retrouve pour donner le meilleur de soi-même à un semblable qui, on le sait très bien, en fera autant pour vous ou plus, le jour où les rôles seront inversés.

Au fait, si le cœur vous en dit, passez un mercredi à midi à Point d’Ancrage: il y a de la chaleur humaine, de la diversité culturelle et religieuse… et toujours un bon repas!

Jean-Pierre Barbey