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Notre regard

Editorial | Combien serons-nous?

Au moment où nous mettions sous presse, il restait moins de quinze jours pour récolter les 50’000 signatures nécessaires à faire aboutir le référendum contre les mesures urgentes de la Loi sur l’asile. Un référendum dont le lancement a suscité des divergences d’opinions dont un des arguments centraux a été: combien serons-nous? Une des craintes - légitimes - des adversaires du référendum était en effet d’aboutir à un score si bas qu’il favoriserait des durcissements futurs.

L’UDC n’a pas attendu le résultat du référendum pour annoncer le lancement d’une initiative visant à enfermer tous les demandeurs d’asile - et pas seulement les «récalcitrants» - dans des camps d’internement (!). Sa stratégie est de mettre la pression sur le Parlement pour qu’il durcisse les dispositions en discussion. Un Parlement qui, comme nous l’avons souligné dans nos dernières éditions, est en roue-libre, avec une droite totalement « décomplexée »  dans son acharnement à démanteler ce qui reste du droit d’asile, et une gauche affaiblie par un Parti socialiste tétanisé par la présence de sa ministre à la tête du DFJP.

Dans ce contexte, le référendum, courageusement lancé par les jeunes Verts, est un premier outil à disposition de la minorité que nous sommes pour y mettre un peu de contre-pouvoir. Et pour soutenir ceux qui, au Parlement et au sein de leurs partis, défendent les principes de justice et d’Etat de droit et qui sont, eux aussi, bien seuls. Partout, on nous sert que l’opinion des gens est déjà faite, que la xénophobie a déjà gagné. Et que même la direction du Parti socialiste s’est ralliée à une vision «pragmatique» de la migration. Nous n’avons peut-être pas les moyens de l’UDC de nous payer un «journal» gratuit  adressé à tous les ménages suisses. Mais nous n’avons pas l’intention de baisser les bras. Si le référendum aboutit, nous aurons une campagne à mener. Une plateforme pour développer nos arguments. Un nouveau public à atteindre, à sensibiliser, à convaincre.

Parce qu’il se limite à quelques dispositions - mais pas des moindres (p. 2-5) ! -, ce référendum permet de montrer au grand public à quel point les grands partis les prennent pour des imbéciles. Accélérer les procédures, protéger les vrais réfugiés? En quoi, la suppression des procédures d’ambassade «protège» les vrais réfugiés? En quoi, l’exclusion de la désertion dans la définition du réfugié va-t-elle « accélérer les procédures»? L’enfer vécu par les réfugiés érythréens dans le Sinaï (lire p. 9) est la démonstration que ces deux mesures vont au contraire contribuer au trafic d’êtres humains, d’organes, d’armes et on en passe!

Combien serons-nous? En lançant le référendum, les organisations savaient qu’elles n’avaient quasi aucune chance de le gagner. Mais qu’un débat devait avoir lieu. Qu’une autre voix que celle des camps et des barricades devait s’exprimer, pour ensuite proposer un autre modèle de politique migratoire. Aujourd’hui, le public est demandeur d’informations sur la réalité de l’asile en Suisse, et d’arguments. Bien plus qu’on ne peut l’imaginer. Les premiers échos reçus par Vivre Ensemble sur notre nouvelle brochure sur les préjugés en sont une démonstration quotidienne, et très encourageante. Alors, combien serons-nous ? Si ce n’est déjà fait, n’hésitez pas à apposer votre paraphe sur le référendum encarté dans ce numéro.

Sophie Malka