Le Courrier | Solikarte: la carte Cumulus solidaire
La carte Cumulus solidaire débarque en Suisse romande
Née du côté de Saint-Gall, la Solikarte permet de récolter des bons Migros en faveur de requérants d’asile déboutés qui vivent dans une grande précarité. Explications.
Article publié dans Le Courrier le 26 janvier 2013, écrit par Sophie Gaitzsch.
Une carte qui offre la possibilité de redistribuer ses points Cumulus à ceux qui n’ont pas assez pour subvenir à leurs besoins quotidiens? L’idée a germé dans l’esprit futé de Debora Buess, étudiante saint-galloise de 21 ans. Baptisée Solikarte, le petit rectangle rouge fait fureur en Suisse alémanique et arrive aujourd’hui en terres romandes. Le principe est simple. Toutes les Solikarte, utilisables aux caisses de Migros exactement comme la carte Cumulus, ont le même code barre. Les points récoltés vont donc tous sur un même compte. Une fois convertis en bons, ils sont distribués aux requérants d’asile déboutés qui sont forcés de vivre de l’aide d’urgence, soit un hébergement minimal et une aide en nature ou en espèces allant de 8 et 12 francs par jour. La répartition des bons se fait par le biais d’organisations locales qui travaillent sur le terrain.
20 000 francs déjà redistribués
La réflexion de Debora Buess a commencé derrière une caisse. L’été de ses 18 ans, la jeune femme travaille pour Migros et demande à longueur de journée à ses clients s’ils ont une carte Cumulus. «Je me suis dit que récolter des points de manière individuelle ne sert pas à grand-chose, alors que certaines personnes en ont vraiment besoin», raconte dans un français parfait l’énergique étudiante en géologie, à l’occasion d’une rencontre dans un café bernois. Elle commence alors à photocopier le code barre de sa propre carte pour le distribuer à son entourage et dans les bars, puis envoie les bons amassés au Solidaritätsnetz Ostschweiz, une organisation d’aide aux réfugiés pour laquelle elle est engagée. «Totalement ‘handmade’», rigole-t-elle.
L’initiative prend forme petit à petit grâce au bouche-à-oreille, s’étend dans le reste de la Suisse alémanique, s’organise en groupe régionaux, puis prend pied au Tessin. Côté romand, les choses sont en train de se mettre en place. «Je suis en contact avec des organisations à Lausanne et à Genève. Une version française de notre site internet, solikarte.ch, sera mise en service d’ici à deux ou trois semaines», explique Debora Buess, qui semble encore effarée de l’ampleur prise par son projet: 10 000 cartes en circulation, entre 400 et 500 utilisations par jour et l’équivalent d’environ 20 000 francs déjà redistribués.
Et Migros, dans tout ça? Depuis l’été dernier, le géant orange joue le jeu. Mais la bataille fut rude. La coopérative, mise au courant de l’existence de la Solikarte depuis sa naissance, l’autorise dans un premier temps tout en refusant de s’engager officiellement. Mais début 2012, le ton change. Debora Buess reçoit un courrier lui annonçant la résiliation du compte à fin mai. Raison invoquée: la carte Cumulus est prévue pour être utilisée à l’intérieur d’un même ménage. Pas de quoi impressionner Debora Buess, qui se lance avec l’aide de deux collègues zurichoises dans de longs mois de protestations auprès du distributeur. Jugeant insatisfaisante une première proposition, le petit groupe passe à la vitesse supérieure en organisant une pétition et en parvenant à orchestrer un joli remue-ménage dans les médias. Face au désastre publicitaire qui se profile, Migros s’empresse d’autoriser la poursuite du projet, sans restriction. Debora Buess se réjouit de ce feu vert et dit être aujourd’hui en dialogue constant avec son ancien adversaire.
Hésitations
Du côté de Migros, on semble toutefois encore un peu emprunté quant à l’attitude à adopter. Sollicité à plusieurs reprises concernant la Solikarte et son avenir ainsi que sur une éventuelle disposition à la soutenir de manière active, le groupe n’a pas été en mesure de répondre.
Pour les adeptes de Coop, il existe aussi une Soli-Supercard. Mais seules 200 unités sont en circulation et toute expansion est pour l’instant bloquée par le distributeur. A cette mauvaise volonté vient s’ajouter une difficulté technique: avec la Supercard, les achats peuvent être effectués directement avec la carte sans passer par une transformation en bons. Debora Buess entend toutefois monter au front pour trouver un arrangement, une fois que le tourbillon Solikarte se sera un peu calmé.