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Osservatorio Balcani e Caucaso | Les réfugiés syriens en Turquie

Plus de 600’000 Syriens qui fuient la guerre, arrivent en Turquie. La majorité d’entre eux se trouvent dans la province de Hatay.

Article de Fazila Mat publié sur le site de l’Osservatorio Balcani e Caucaso, le 28 novembre 2013.
Pour lire l’article complet en anglais cliquez ici , et pour lire l’article complet en italien ici .
Ci-bas, traduction de l’article en français par Cristina Del Biaggio.

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Syrian refugees are pictured on March 27, 2012 near a tent after entering Turkey, near Reyhanli in Hatay province.
Source: Freedom House[/caption]

Reyhanli, province turque de Hatay, à quelques kilomètres de la frontière syrienne. Depuis que la guerre en Syrie a commencé, il y a 3 ans, la présence des réfugiés syriens est constante dans ce bourg. Sa population, qui, en 2011, comptait quelques 62’000 âmes, a doublé.

Mahmoud, originaire d’Alep, est un Syrien qui fui en Turquie, parmi des milliers d’autres. Il a les yeux verts, vingt ans et la tranquillité d’un homme d’un certain âge. Dans un magasin, il vend des pizzas et des börek et raconte son histoire en montrant ses blessures sur ses jambes, son bras et son ventre causées par des bombardements. Il est arrivé ici il y a un mois. Il a trouvé du travail à Gaziantep et se trouve momentanément à Reyhanli pour rendre visite à une partie de sa famille, à l’occasion de la fête du sacrifice. « En Syrie il n’y a plus personne. Frère, sœurs, mère, ils sont tous partis », dit-il. Les bombardements ont tué presque tous les hommes de sa famille. Il a été enrôlé par la force dans l’armée, mais il s’est enfui. Il dit de al Assad qu’il est « Seytan« , Satan. Il retournera en Syrie, quand tout sera fini et que al Assad sera parti. Mais il ne sait pas quand.

Sur les 910 kilomètres de frontière que séparent la Turquie de la Syrie, seul trois sur les 13 zones de passages sont ouverts. Cilvegözü, à 5 km de distance de Reyhanli est l’un de ces trois zones de passages. Le passage de Bab al Hawa est sous le contrôle de l’armée libre syrienne depuis juillet 2012. Pour des « raisons de sécurité » la sortie de la Turquie est officiellement permise qu’aux Syriens. Nombreux sont ceux qui passent la frontière à pied, en transportant quelques bagages ou un petit sac.

Appartements et survie

La famille d’Hassan, une femme enceinte et quatre enfants, a décidé de retourné dans la province de Hama après avoir tenté, en vain, de trouver un logement. Le père de famille, un trentenaire qui, avant la guerre, travaillait comme fonctionnaire communal, raconte avoir été à Gaziantep, mais n’a trouvé ni de place dans le camps de réfugiés ni un appartement à louer avec les peu de moyens qu’il avait à disposition. En Syrie, ils habitaient dans un bourg qui comptait environ 30’000 personnes. Maintenant il n’en compte que 500. Pourtant, dit-il, « il n’y a rien à faire, nous sommes contraints de retourner en Syrie ».

Les camps de réfugiés mis à dispositions par l’Etat turc sont au nombre de 21, tous situés le long de la frontière. Mais leurs capacités d’accueil, qui s’élève à 200’000 personnes, sont depuis longtemps devenues insuffisantes pour héberger les centaines de milliers de Syriens déjà en Turquie et qui continuent à affluer. Le problème du logement est une question particulièrement préoccupante à Reyhanli, où les loyers ont augmenté de façon drastique.

« Jusqu’à il y a deux ans, la maison la plus belle de ce village coûtait environ 400 lires turques », explique un restaurateur, « maintenant le même appartement coûte 1’000 lires », un chiffre qui correspond à environ 400 euro. Mais, malgré ces prix, il est devenu très difficile, voire impossible, de trouver une maison disponible à Reyhanli.

Les hôtes

La population locale semble avoir accepté la présence des « hôtes » avec lesquels ils communiquent facilement, du fait qu’une bonne partie des habitants de la région est bilingue turc et arabe. En mai dernier, l’explosion de deux bombes qui a causé la mort de 52 personnes a créé un moment de tension important. Agressés par les habitants, car considérés comme responsables de la tragédies, des centaines de réfugiés sont retournés en Syrie. « Beaucoup sont partis, mais de nouvelles personnes sont arrivées », dit un vendeur ambulant, « la seule différence c’est que maintenant les réfugiés essaient d’être moins visibles ».

En plus du prix des maisons, les habitants de Reyhanli se plaignent également du coût des denrées alimentaires et des vêtements. Ils disent que les prix ont augmenté depuis l’arrivée des Syriens, tandis que le travail tend à se raréfié. Dans la petite ville il y a quelques petites fabriques. « La journée d’un ouvrier local est de 30 lires, tandis que les Syriens travaillent pour un tiers de ce chiffre », explique un jeune.

Aides

L’ONG islamique Fondation d’aide humanitaire (IHH) est une des organisations les plus actives à Reyhanli. Son aide se concrétise dans l’envoi en Syrie de 6 à 7 convois de 27 tonnes chacun, contenant des paquets alimentaires et sanitaires, ainsi que des kits spécifiques pour bébés.

A côté de l’entrepôt où tous les jours arrivent de la marchandise à envoyer vers la Syrie, il y a une boulangerie qui fabrique 200’000 pains par jour, produits avec de la farine en provenance du Qatar. Les responsables de l’ONG expliquent que leurs financements proviennent de donneurs turcs et étrangers.

Plusieurs organisations de médecins états-uniens, d’origine syrienne sont présents à Reyhanli. Ils offrent du secours aux blessés de guerre dans des hôpitaux construits ad hoc. Maria del Mar, une jeune odontologiste de Barcelone, est volontaire auprès de l’un des centres sanitaires fondé par un médecin de Boston. La jeune femme raconte avoir découvert la structure par hasard, tandis qu’elle feuilletait une revue médicale. Elle a décidé de contribuer au projet. L’hôpital dans lequel elle travaille dispose de 70 lits mis à la disposition de blessés et de personnes mutilées. « Les camps de réfugiés en Turquie, par rapport à ceux au Liban, en Jordanie et Irak, sont les meilleurs » dit-elle. « Mais c’est une tragédie de constater que face à une telle brutalité les Nations Unies n’interviennent pas. Ce qu’il faudrait faire, cependant, ce n’est pas de construire d’autres camps, mais d’arrêter la guerre », elle ajoute. Puis, elle partage sa plus belle expérience à Reyhanli: « J’ai connu beaucoup de personnes ouvertes d’esprit qui m’ont appris qu’en Syrie, avant la guerre, les personnes de toutes les religions vivaient en paix et personne posait de questions concernant ta foie. De ceci, personne n’en parle à la TV ». Sa pire expérience: « Les images d’enfants innocents qui, à cause de la guerre, ont perdu leur jambes, leur bras et ont perdus leur famille ».