Apprentissage | Percer le plafond de verre
Aimée Office Concept ou AOC est une entreprise pas comme les autres. Créée au sein de l’Ecole de commerce Aimée-Stitelmann, à Genève, elle emploie depuis plusieurs années 24 jeunes suivant la formation de deux ans en vue de l’obtention de l’attestation fédérale de capacité d’employé de bureau. Un effectif qui sera amené à doubler. AOC pallie la difficulté pour ces jeunes de trouver un employeur extérieur, tout en leur proposant d’effectuer des mandats pour des entreprises ou des associations, comme par exemple la mise sous pli de la revue que vous avez entre les mains. En effet, ils sont six à venir tous les deux mois dans les locaux de Vivre Ensemble pour assurer l’envoi du journal. Et remplacer peu à peu l’équipe de nos fidèles bénévoles.
Motivés, efficaces, et volontaires. Tout en s’appliquant à rationaliser un travail plutôt répétitif, ils parlent de leurs projets, de leurs examens, d’un éventuel entretien d’embauche au terme duquel leur rêve d’une place d’apprentissage pourrait aboutir. Car l’objectif pour beaucoup est là, relève François Talabot, un des cinq formateurs d’AOC. Aller plus loin. S’insérer dans un parcours professionnel, qui signifie pour eux démarrer un CFC au terme des deux années de formation sanctionnées par l’attestation fédérale. Or, qui dit CFC, dit trouver une place d’apprentissage. Une gageure, de manière générale. Une double gageure pour une partie des élèves-apprentis à AOC.
«Ils se heurtent pour beaucoup à un problème de statut», regrette leur doyenne Véronique Kistler, qui a œuvré à la mise en place d’AOC. Les jeunes qui postulent à AOC sont pour beaucoup issus de la migration et arrivés en Suisse depuis un ou deux ans, leur niveau de français étant insuffisant pour intégrer le cursus scolaire. D’autres sont là en raison d’un parcours scolaire sinueux. Ils ont entre 18 et 22 ans. Véronique Kistler insiste sur la mission de réinsertion professionnelle que remplit AOC, alors que le nombre de jeunes sortant de l’école obligatoire sans diplôme et projet professionnel augmente en Suisse. Eviter de lâcher des jeunes dans la nature et permettre notamment aux sans-papiers, demandeurs d’asile, titulaires d’une admission provisoire de rester «en formation». Reste le plafond de verre du statut et l’incertitude qui pèse sur l’avenir
(lire ci-dessous).
Elise, Guilherme, Lia, Labinote, Dashurije et leurs camarades n’en restent pas moins remplis de l’énergie de leur jeunesse. Véronique Kistler insiste sur l’importance pour AOC d’obtenir des mandats administratifs, tels que le travail de mise sous pli de notre journal. «Cela permet à nos élèves d’aller voir ailleurs, à la rencontre du monde professionnel.» La prestation est fournie gratuitement. Un soutien de taille pour les associations comme la nôtre, la devise d’AOC étant: «Débordé par le travail, confiez-nous vos tâches administratives…» A bon entendeur!
Sophie Malka
Trouver une place d’apprentissage pour un demandeur d’asile exige d’avoir une autorisation de travail : à Genève, en première instance, les autorités estiment généralement que le jeune peut entamer l’apprentissage et le terminer. Mais en procédure de recours ou lorsque la demande d’asile est définitivement rejetée, l’avenir se ferme. Pour les titulaires de permis F – l’admission provisoire- les employeurs s’arrêtent souvent sur l’adjectif «provisoire» et le caractère renouvelable annuellement du permis pour refuser le dossier. Quant à l’apprentissage des sans-papiers, si la nouvelle législation leur permettant de faire un apprentissage a suscité beaucoup d’espoir, les contraintes de l’âge (18 ans maximum) et de cinq années de séjour minimum font qu’aucun des élèves de l’AOC n’entre dans ces critères.