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Documentation

Le Courrier | Le foyer de Saconnex à nouveau évalué

Selon un rapport interdépartemental, les conditions de vie des mineurs logés au foyer pour requérants se sont améliorées depuis un an, mais elles restent préoccupantes.

Article de Sylvia Revello, publié dans Le Courrier, le 9 janvier 2014. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

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Au terme de plusieurs mois d’attente, un second rapport sur la situation des requérants d’asile mineurs logés au foyer de Saconnex à Genève a été rendu public hier. Elaboré par un groupe de travail interdépartemental, ce document détaille les mesures prises pour améliorer le dispositif d’accueil, jugé inadéquat lors d’une précédente évaluation datant d’octobre 2013 (lire notre édition du 20 novembre 2013). Malgré des avancées au niveau de la sécurité, l’encadrement des mineurs non accompagnés doit impérativement être renforcé. «Complètement inutilisable à terme», le centre d’hébergement vétuste devra être reconstruit.

Taux d’encadrement encore insuffisant

Bâtiment administratif à l’origine, le foyer de Saconnex est sous la houlette de l’Hospice général. Il accueille aujourd’hui 386 demandeurs d’asile dont des familles et 109 mineurs. Parmi eux, 42 sont non accompagnés (5 filles et 37 garçons entre 15 et 18 ans). Certains disposent d’un permis N (procédure d’asile en cours) ou F (admis à titre provisoire), deux ont été déboutés. Sécurité, encadrement et suivi scolaire: avec la collaboration d’associations concernées par l’asile, la task force mandatée par le Conseil d’Etat en 2013 dresse le bilan des recommandations formulées dans son précédent rapport.

Régulièrement pointé du doigt, le faible taux d’encadrement, en particulier hors des heures de bureau et durant le week-end, a fait l’objet d’un renforcement. Une présence pour le lever tous les jours de la semaine et deux à trois fois en soirée est désormais assurée par un travailleur social. Les activités durant le week-end et les vacances se sont également densifiées. Malgré un assistant social et un éducateur dégagés par l’Hospice sans budget supplémentaire – portant à 5 personnes l’équipe de collaborateurs dédiés aux mineurs non accompagnés soit, 3,4 ETP – les dotations restent toutefois «insuffisantes pour assurer un suivi optimal», révèle le rapport. «Près du double, soit 6 ETP, serait nécessaire pour atteindre un niveau correct, indique Christina Kitsos, chargée des affaires migratoires au Département de l’instruction publique et coordinatrice de la task force. Au-delà des assistants sociaux, il est primordial d’avoir suffisamment d’éducateurs pour jouer le rôle de référent parental.» Le coût est estimé à 250’000 francs annuels.

Séparer les requérants mineurs des adultes

«Séparer les mineurs non accompagnés des adultes» figurait parmi les recommandations majeures du premier rapport. Des travaux ont été effectués à l’automne dernier pour réserver aux filles un «espace spécifique» comprenant une salle commune pour les repas et les activités. Jusqu’ici, les mineures logeaient dans une aile occupée par des familles.

Les garçons, eux, disposaient déjà d’une aile propre. La sécurité défaillante du bâtiment avait en revanche été dénoncée. Depuis mars dernier, un agent de sécurité est présent en permanence afin d’éviter «l’intrusion de personnes indésirables» et la porte d’accès est sécurisée. La présence d’adultes aux alentours et les interventions ponctuelles de la police demeurent néanmoins problématiques. «Le rythme d’un centre tel que Saconnex n’est pas compatible avec celui de mineurs scolarisés, précise le rapport. Il est illusoire de compter sur la seule présence d’un agent pour gérer des adolescents rencontrant parfois des problèmes de délinquance.»
Préconisée à plusieurs reprises, la reconstruction du foyer de Saconnex semble inévitable. Vétuste et «en très mauvais état», le bâtiment nécessiterait différents «travaux de rénovation pour un montant total de 17’266’000 francs», selon le rapport. A moyen terme, seule une démolition-reconstruction est jugée adéquate. Ceci dans le but de consacrer un pavillon ou un bâtiment séparé aux requérants mineurs non-accompagnés exclusivement.
Face à l’afflux de demandeurs d’asile depuis un an, la task force rappelle qu’un budget supplémentaire sera nécessaire pour répondre aux besoins en termes d’encadrement, de logement et de sécurité, si la tendance venait à se poursuivre. Le dispositif d’accueil étant aujourd’hui «saturé». Le rapport prévoit enfin d’étendre le projet de tutorat développé au centre d’hébergement des Tattes à celui de Saconnex. Ce dernier a permis d’offrir un soutien scolaire à une vingtaine d’enfants depuis fin 2013. La subvention annuelle nécessaire s’élève à 80’000 francs.

VE148
Voir aussi le numéro 148 de notre revue dédié aux enfants: http://asile.ch/2014/06/16/ve-148-juin-2014/

«Saconnex ne remplit pas les conditions d’un foyer éducatif»

De nombreux acteurs du réseau associatif, en contact régulier avec des requérants mineurs au foyer de Saconnex, se préoccupent du manque d’encadrement socio-éducatif. Ils regrettent notamment que leur condition de demandeur d’asile prime sur leur statut d’enfant. «Saconnex ne remplit pas les conditions d’un foyer éducatif, déplore Philippe Klein, psychothérapeute et membre de l’association Appartenances, qui a participé aux travaux de la task force. Il manque des éducateurs, adultes de référence, pour accompagner les jeunes au quotidien, établir un lien de confiance et construire un projet sur le long terme.» Dans ces conditions, les problèmes rencontrés à l’adolescence ont tendance à s’aggraver. «Pour les jeunes laissés à l’abandon, la violence est parfois la seule manière de se faire entendre.» S’il estime que la pression doit être maintenue sur l’Hospice général afin qu’il sollicite le budget nécessaire, M. Klein rappelle que dans le dossier de l’asile, «tout le monde
se renvoie la balle. Personne ne veut se mouiller pour une population dont le poids politique est quasiment inexistant.»

Sa confrère Irène de Santa Ana abonde dans ce sens. En 2012, la thérapeute suivait un adolescent très fragile psychologiquement. «L’environnement du foyer, sans encadrement éducatif, le laissait dans un grand dénuement. Son assistant social n’était pas au courant de sa détresse.» Le suivi thérapeutique a finalement permis qu’une solution en foyer adapté soit trouvée. «Mais demain, si une telle solution se reproduit, qui s’en rendra compte?»

«Sans coin devoirs ni salle commune où se réunir au calme», le lieu n’est pas adapté aux enfants pour Nicole Andretta, aumônière à l’Agora. «Quinze familles se partagent un point d’eau, il n’y a pas assez de plaques pour cuisiner. La promiscuité entrave la vie en communauté. Certaines familles nous ont dit regretter le centre des Tattes, c’est dire si leur situation est précaire.»