Expulsions à chaud ou « push-back » à l’espagnole
Le 16 octobre, le Parlement espagnol a entamé le débat sur le projet de «Loi de sécurité citoyenne», instrument juridique controversé surnommé par ses opposants ley mordaza (loi-bâillon). Une disposition rajoutée à la va-vite par le gouvernement veut légaliser les «renvois à chaud» (devoluciones en caliente), c’est-à-dire les expulsions immédiates des migrants qui parviennent à franchir les trois barrières séparant les enclaves de Ceuta et Melilla du territoire marocain.
Cette pratique, existant depuis 2005, n’a attiré l’attention des médias et des politiciens qu’en septembre 2014, après l’inculpation par le Tribunal de Melilla du colonel en chef de la Guardia Civil de la ville. Une vidéo présentée au tribunal par l’ONG Prodein montrait le refoulement immédiat et violent de migrants arrêtés entre deux barrières. Pour pouvoir statuer sur ce cas, le tribunal a dû se pencher sur la question de l’emplacement de la frontière.
Le Ministère de l’Intérieur s’est défendu de procéder à des «renvois à chaud», affirmant que les personnes arrêtées ne se trouvaient pas sur le territoire espagnol, au sens de la «frontière opérationnelle» telle que définie par le gouvernement. Il soutient que «face à l’entrée massive de migrants», l’Etat aurait déplacé, «par une décision libre et souveraine», la frontière avec le Maroc à l’intérieur de la troisième barrière. Les personnes se trouvant entre une barrière et l’autre auraient donc été renvoyées sans qu’il y ait violation de la procédure prévue par la Loi sur les étrangers, qui en cas de «renvoi» stipule une série de garanties juridiques, dont l’accès à une procédure d’asile. Des ONG nationales et internationales rappellent que le concept de frontière opérationnelle et les renvois à chaud sont contraires au droit international. En particulier, ces derniers violent le principe du non-refoulement.
Nora Bernardi