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Documentation

Le Courrier | Une école devient check-point le temps d’une action

«Un monde de murs», l’expo élaborée par des élèves d’Ella Maillart et Aimée Stitelmann, a été lancée hier… de manière originale.

Article de Sara Kasme publié dans Le Courrier, le 1er mai 2015. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Bruits d’hélicoptères, distribution de couvertures, banderoles UNHCR, contrôle sanitaire et interrogatoires. Rien n’a été oublié pour cet événement qui, comme l’explique une des enseignantes à l’origine du projet, «veut susciter une réflexion éthique en faisant résonner l’actualité». Pendant plusieurs mois, des enseignants de géographie, de civisme, d’art, de graphisme, ou encore de théâtre ont fait travailler dix classes autour de la question des murs. Le résultat: une exposition d’une centaine de panneaux. «L’action d’aujourd’hui permet de lancer l’exposition de manière surprenante.»

Surpris, les élèves le sont. Derrière des airs blasés, une légère inquiétude pointe: «Merde, j’ai pas ma carte d’élève.» Car oui, les règles sont strictes: ceux qui ne l’ont pas subiront l’interrogatoire. Subjectivité et favoritisme sont totalement assumés. Après avoir passé le premier contrôle, «ceux qui ont mauvaise mine sont envoyés au contrôle sanitaire», blague un enseignant. Quant aux élèves enrôlés comme policiers, ils jouent le jeu: «Je fais le salaud: si quelqu’un a pas sa carte, je le laisse pas passer. C’est comme ça dans la réalité.»

Manque d’information

Alors que la plupart des élèves supposent qu’il s’agit d’un «spectacle» ou d’une «journée à thème», certains avancent que «c’est pour imiter une intervention de l’ONU», «pour parler des frontières et des morts en Méditerranée», ou encore «pour nous sensibiliser sur la société, sur l’égalité».

Sensibilisation, information, ce n’est pas le travail qui manque. A la vue de la banderole UNHCR, la plupart avouent ne pas savoir ce qu’elle représente. Quelqu’un se risque: «C’est un truc pour les sans-papiers, non?» Ce manque d’information est confirmé par un élève, également stagiaire chez Caritas: «Pour beaucoup, la question des migrants n’est pas importante. Ou alors ils sont pas au courant. Ce genre d’action permet d’expliquer que la plupart des migrants viennent parce qu’ils n’ont pas le choix.» D’autres témoignages rejoignent celui du jeune stagiaire: «Les migrants cherchent une vie meilleure.» «Ils veulent trouver du travail, moi aussi je le ferais si j’étais dans un pays vraiment pauvre.»

Retour dans le hall du collège, où règne un sacré désordre: «Je me sens comme une migrante», lâche une élève. Un autre hausse le ton: «Vous jouez à quoi? Faites ça devant les chefs d’Etat, c’est pas nous qui allons changer le monde.» «Justement, peut être que si», rétorque une enseignante. Alors qu’il s’éloigne, des voix s’élèvent: «Je crois qu’il est érythréen, peut être que ça le touche.» «Ouais, je crois qu’il est passé par… comment ça s’appelle? Lampedusa.» Pour compléter le tableau, quelques touches d’humour: un élève ramène une amie au «contrôle de sécurité»: «En tant que bon citoyen, je viens vous dire qu’elle a présenté une fausse carte.»

A 9h, les élèves regagnent leurs classes et le dispositif est remballé. Reste l’exposition, qui sera visible durant plusieurs semaines dans les deux établissements scolaires. Les discussions se poursuivront également dans certaines classes. Quant aux impressions, on peut espérer que certaines resteront.

La Tribune de Genève a aussi produit une vidéo, vous pouvez la visionner en cliquant ici ou sur l’image ci-dessous:

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