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Le Courrier | Mobilisation contre le transfert de requérants en abri PC

Une soixantaine de personnes se sont rassemblées spontanément hier à Vernier pour exprimer leur indignation.

Article de Alan Bernigaud, publié dans Le Courrier, le 16 juin 2015. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

«Les bunkers c’est fait pour la guerre, pas pour loger des gens», «No bunker», «On est des humains»: autant de slogans scandés hier, dès la mi-journée et durant toute l’après-midi, par la soixantaine de personnes présentes dans la cour du centre des Tattes, à Vernier, afin de protester contre le transfert de certains requérants d’asile en abri PC.

En effet, entre vendredi et hier, vingt-deux migrants ont été transférés à l’abri PC de la rue de la Gabelle à Carouge, qui vient d’ouvrir. Réunis spontanément pour demander l’annulation de ces transferts, les manifestants, pour la plupart des habitants du centre mais aussi des membres de l’association Solidarité Tattes, du collectif Sans Retour ou encore du parti Solidarités, ont exprimé leur colère. Seul un représentant de l’Hospice général est sorti des bureaux durant l’action, accompagné d’un policier. Il a signalé que l’endroit était un «lieu privé» et prié les personnes rassemblées de partir.

Perquisitions

Viviane Lusier, de l’association Solidarité Tattes, affirme que «des policiers avec des Securitas viennent à tout moment, de jour comme de nuit, pour faire des perquisitions ou embarquer des requérants pour les conduire dans l’abri PC de la rue de la Gabelle. C’est à croire qu’ils sont au-dessus des lois, ils traitent ces personnes comme du bétail, on se croirait dans la jungle!»

Les principaux concernés confirment et s’indignent de la méthode. «C’est une humiliation contre les hommes, nous ne sommes pas des rats. Un jour, la situation va devenir intenable ici et ça va exploser parce que personne ne nous écoute comme des êtres humains», tonne Ilyes, 43 ans et habitant des Tattes depuis deux ans.

Bienôt le ramadan

De plus, «nous sommes à quelques jours du ramadan et la majorité des personnes vivant aux Tattes sont des musulmans. Les placer sous terre, avec les conséquences psychiques que cela peut engendrer, qui plus est durant cette période, est irrespectueux», ajoute Viviane Lusier. Un migrant abonde, regrettant un manque de considération: «Ce qu’on veut, c’est simplement ne pas être transférés demain, que les autorités attendent au moins jusqu’à la fin du ramadan».

Pablo Cruchon, permanant de Solidarités, exige l’annulation immédiate du transfert des migrants. «Ouvrir des abris PC est déjà scandaleux, mais le faire pour placer des personnes vivant aux Tattes après tout ce qui est arrivé à ce foyer et à ses habitants, c’est honteux», déclare-t-il, en référence à l’incendie qui avait ravagé une partie du centre le 17 novembre dernier causant la mort d’un homme et faisant plus de quarante blessés. Aude Martenot, de Solidarité Tattes, rappelle que «l’Etat a choisi de construire une prison à 70 millions de francs et de rénover le Musée d’art et d’histoire pour 140 millions de francs, mais diminue le financement de l’Hospice général». Selon elle, il existe des solutions, Genève possédant de nombreux bureaux vides qui pourraient servir de logements aussi pour les requérants d’asile. «Les préfabriqués utilisés dans certaines écoles pourraient parfaitement servir de logements provisoires.»

«Il faut faire de la place pour loger des familles»

«Le principe est de libérer des appartements pour laisser la place à des familles», explique Jean-Philippe Brandt, porte-parole de la police. Selon lui, dix hommes célibataires ont été transférés vendredi à l’abri PC de la rue de la Gabelle «sans aucun problème ni usage de la contrainte». Et treize autres devaient l’être hier. «Douze ont fait leur valise sans souci, un seul a posé problème et a alerté le collectif Stop Bunker.» Il n’y a eu aucun réveil en pleine nuit et tous ont été avertis à l’avance, affirme l’officier. La police a opéré ces transferts sur injonction de l’Hospice général, informe le Département de la sécurité. Mais, selon M. Brandt, le but n’était pas de prévenir d’éventuels refus d’obtempérer. «Il s’agit d’unités du poste de Carouge. Le but est de créer un lien avec ces gens, on est dans le domaine de l’îlotage.»

Porte-parole de l’Hospice général, Bernard Manguin rappelle qu’il s’agit de déboutés de l’asile censés quitter le pays, c’est pourquoi l’institution préfère loger en surface des requérants en procédure. Il n’est pas prévu de transférer d’autres personnes. Outre l’abri de la rue de la Gabelle, à Carouge, qui peut accueillir 40 hommes, l’abri des Trois-Chêne, d’une capacité de 90 places, a été ouvert à Thônex. Face au nombre croissant de requérants, l’Hospice général dit n’avoir pas d’autre choix que d’ouvrir ces deux nouveaux abris, qui s’ajoutent à deux autres qu’il utilise déjà à cet effet, car ses structures sont saturées.

«Nous sommes choqués!» réagit Lisa Mazzone, présidente des Verts. «On transfert ces personnes de manière indigne pour les faire vivre dans un endroit dangereux pour leur santé physique et psychique! C’est un véritable échec de l’Hospice général d’en arriver là. Cela fait des mois que notre parti se mobilise contre l’ouverture d’abris souterrains, une motion interpartis a été déposée en février, l’Etat aurait eu le temps de trouver une solution provisoire, comme des logements préfabriqués. Mais, en la matière, il y a une véritable inertie des autorités et en général.»

Au cours de l’après-midi, la police est venue sur place pour exiger la dispersion de la manifestation non autorisée. «Nous laissons la possibilité que cette manifestation se termine bien, sinon, nous interviendrons», déclarait hier M. Brandt.