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swissinfo.ch | Cinq graphiques pour comprendre le phénomène migratoire

Depuis des années, l’Union européenne cherche en vain une solution de solidarité pour faire face au nombre croissant de requérants d’asile. Dans plusieurs pays, dont la Suisse, certains réclament la fermeture de la frontière. Mais qui sont les pays les plus touchés? Réponse en une série de graphiques et d’éléments interactifs.

Article de Duc-Quang Nguyen et Stefania Summermatter, publié sur swissinfo.ch, le 22 juillet 2015. Cliquez ici pour lire l’article et visualiser les infographies interactives.

Jamais jusqu’ici, autant de personnes n’avaient risqué leur vie pour atteindre l’Europe par la mer. Dans les six premiers mois de 2015, 137’000 migrants ont débarqué sur les côtes du sud de l’Europe, c’est 83% de plus que l’année précédente. Selon le HCR, il s’agit avant tout de personnes qui cherchent protection, qui fuient les guerres en Syrie et en Afghanistan ou la dictature en Erythrée. Au niveau européen, le nombre de demandes d’asile déposées l’année dernière (plus de 660’000) a presque atteint le pic enregistré au cours de la guerre en ex-Yougoslavie. Mais la situation varie beaucoup d’un pays à l’autre. Le graphique ci-dessous montre comment, en Suisse par exemple, on a enregistré plus de 40’000 demandes d’asile entre 1991 et 1999, comparativement aux 23’770 enregistrées pour la seule année 2014.

[caption id="attachment_23855" align="aligncenter" width="994"](c) swissinfo.ch (c) swissinfo.ch[/caption]

Si la Méditerranée est devenue la principale porte d’entrée, c’est aussi parce que l’UE a érigé des fortifications à ses frontières terrestres du sud. Barrières entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta (8 km) et Melilla (12 km), entre la Turquie et la Grèce (12,5 km) et entre la Turquie et la Bulgarie (30 km). Leur construction a coûté 77 millions d’euros, selon The Migrant Files, mais elles n’ont pas réussi à stopper l’afflux de migrants.

Ces derniers mois, plusieurs pays européens ont dit vouloir renforcer les contrôles aux frontières. La Hongrie va construire un mur de 175 km à sa frontière avec la Serbie, tandis que la Bulgarie prolongera sa barrière de 130 km.

La France, pour sa part, a bloqué des centaines de personnes à Vintimille. En Suisse, l’UDC (parti de la droite conservatrice) a proposé d’envoyer l’armée aux frontières, tandis que la Ligue des Tessinois était prête à fermer la frontière avec l’Italie. Ces propositions, que condamnent les organisations de défense des droits de l’homme, ne proviennent pourtant pas toujours des pays les plus touchés par l’afflux de migrants, comme le montre l’animation suivante.

nationalites asile
Pour faire face à l’augmentation du nombre des demandes d’asile, l’UE cherche depuis des années une solution commune et solidaire à la question migratoire.

Alors que l’Italie et la Grèce voient débarquer chaque jour des centaines de personnes, les destinations finales privilégiées restent l’Allemagne et la Suède. Décidés à poursuivre leur voyage, les migrants échappent souvent à l’obligation de s’enregistrer imposée par l’accord de Dublin, parfois avec le consentement des pays du sud de l’Europe, désormais incapables de gérer un tel afflux.

Au sommet tenu en juin, l’Union a finalement décidé d’une répartition de 40’000 migrants entre les pays membres. L’accord précise toutefois que l’accueil se fera sur une base volontaire et non selon des quotas – fixés en fonction du PIB, de la population et du taux de chômage – comme le demandait la Commission européenne. Les pays opposés étaient surtout la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Pologne et la France.

Qui aurait à perdre ou à gagner avec cette nouvelle stratégie? Le graphique suivant montre les demandes d’asile déposées en 2014 en fonction de certains des critères discutés à Bruxelles.

Demandes asile en Europe

Selon leur profil et leur pays de provenance, mais aussi selon les pratiques des différents pays en matière d’asile, les migrants n’ont pas toujours les mêmes chances de se voir reconnaître comme personnes à protéger, comme le montre le graphique suivant. L’année dernière, presque la moitié des cas traités (47%) a débouché sur une décision positive. C’est 12% de plus qu’en 2013 (*).

La Suisse figure parmi les pays européens avec les plus hauts taux d’acceptation des demandes d’asile ou d’admissions provisoires, à 70,5%, selon Eurostat (**). En tête vient la Bulgarie (94,1%), alors que la queue du classement (9,4%) revient à la Hongrie, où la majorité des requérants d’asile en 2014 provenait du Kosovo, un pays considéré comme sûr.

Decisions positives demandes asile

Alors que certains pays d’Europe ont du mal à gérer l’afflux des migrants et voient monter les sentiments d’intolérance, les chiffres du HCR montrent que 86% des réfugiés dans le monde (12,4 millions à fin 2014) viennent dans un pays en voie de développement. Quatre millions de Syriens ont trouvé asile dans un pays voisin. Au Liban par exemple, les réfugiés et les demandeurs d’asile forment désormais un quart de la population. C’est le taux le plus élevé du monde par nombre d’habitants, 12 fois supérieur à celui de la Suède.

La carte suivante montre le nombre total de requérants d’asile et de réfugiés recensés par le HCR par million d’habitants, ou par dollar de Produit intérieur brut (***).

Total refugies monde

Notes

(*) L’augmentation du taux d’acceptation est liée en partie au profil des requérants d’asile, mais aussi à un changement de la méthode utilisée par Eurostat. A partir de 2014, ont été exclus de la base de calcul les cas dits «Dublin» (personnes déjà enregistrées dans d’autres pays européens) pour éviter que le même requérant figure sur les registres de plusieurs pays.

(**) Officiellement, la Suisse parle d’un «taux de protection» de 58,3% en 2014. Ceci inclut les réfugiés et les personnes admises à titre provisoire. Comment expliquer la différence avec Eurostat, qui parle d’un taux d’acceptation de 70,5%? C’est simple. A la différence d’Eurostat, la Suisse continue à considérer dans sa base de calcul égalent les cas Dublin et les autres cas de personnes dont la demande d’asile n’a pas encore été examinée.

En outre, et toujours à la différence de l’UE, en Suisse, les «décisions positives» se limitent exclusivement à l’octroi de l’asile (25,6% en 2015). Les chiffes des admissions provisoires figurent par contre dans la statistique des décisions négatives.

(***) Les statistiques du HCR, utilisées dans la dernière carte, diffèrent de celles d’Eurostat, qui ont servi de base aux autres graphiques. Eurostat prend uniquement en considération le nombre de demandes d’asile par période de référence, tandis que le HCR compte le nombre total de demandes d’asile non encore traitées (dont certaines ont été déposées avant 2014).