Aller au delà des propos xénophobes: un devoir des journalistes
Le Comptoir des médias est intervenu auprès de la rédaction de 24 Heures et de la Tribune de Genève à propos des articles de Patrick Chuard « Le combat perdu d’avance des opposants à Chevrilles » (24 Heures, 26 février 2015) et « Les feux des résistants de Chevrilles ne freinent pas Berne » (la Tribune de Genève, 26 février 2015).
L’article reprend les déclarations de Ruedi Vonlanthen, député PLR:
«La Confédération veut créer un centre avec 300 personnes dans un village de 1500 habitants et on n’avertit les autorités locales que trois jours avant de rendre le projet public, c’est scandaleux!» lance le député Ruedi Vonlanthen (PLR). Il se défend d’être contre les requérants d’asile. Tout de même, «80% d’entre eux sont des immigrants et pas de vrais réfugiés».
Le Comptoir a considéré nécessaire d’intervenir sur cette dernière phrase, avec les arguments suivants:
Dans l’article tel que publié sur le site du 24 Heures, vous reprenez les déclarations de Ruedi Vonlanthen, député PLR. Evidemment, ses propos n’engagent que lui. Mais si nous nous permettons aujourd’hui de vous écrire, c’est qu’il nous semble que le rôle des journalistes est de procéder à une vérification des informations et à un questionnement des propos des interlocuteurs auxquels ils ouvrent leurs colonnes. Une médiation qui méritait d’être faite au moment de reprendre les propos d’un politicien, d’autant plus qu’elles ont été prononcées dans un moment particulièrement tendu.
M. Vonlanthen a déclaré que « 80% d’entre eux sont des immigrants et pas de vrais réfugiés ». Or, cette déclaration est fausse et il aurait été opportun de corriger M. Vonlanthen ou alors de ne pas le citer. L’émission « Factuel » de la RTS est d’ailleurs revenue sur ces propos dans l’émission du 4 mars 2015, que vous pouvez découvrir en ligne en cliquant ici. On peut notamment y lire: « Le taux d’octroi d’asile était l’an dernier supérieur à 25% et le taux de protection – un record sur ces dix dernières années – s’est presque établi à 60%. Toutefois, la notion de «vrais» ou «faux» requérants n’existe pas dans les statuts officiels. Il s’agit, dans ce cas, d’une interprétation politique ».
A noter que Vivre Ensemble arrive à un taux encore plus haut (76,6% de reconnaissance d’un besoin de protection en 2014 sur les dossiers dont les motifs d’asile sont examinés). Nous considérons en effet nécessaire de sortir du calcul les décisions de non-entrée en matière (NEM). Comme leur nom l’indique, ces décisions n’examinent pas les motifs d’asile, donc le besoin de protection des personnes. Il s’agit de décisions «formelles» ne portant pas sur le fond. Les NEM Dublin par exemple indiquent uniquement que les motifs d’asile doivent être examinés par un autre Etat. Elles sont également susceptibles d’aboutir à un statut de réfugié ou de protection subsidiaire dans cet Etat.
Nous sommes convaincus, et c’est la raison pour laquelle nous nous adressons directement à vous, que votre rôle est de favoriser un débat public informé. Les opinions des politiciens et porte-paroles des autorités nécessitent contextualisation et interrogation de la part des médias, sous peine de renforcer les préjugés sur les réfugiés et demandeurs d’asile. »
Notre intervention n’a pas reçu de réponse de la part de M. Chuard.