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Documentation

Revue Terrain | Le temps dilaté, l’espace rétréci

Le quotidien des demandeurs d’asile

La vie de Klara Golounova et Aké Koné, demandeurs d’asile hébergés dans des centres d’accueil en France (cada), est caractérisée par une dilatation du temps et une rétraction de l’espace. Cet article explore la réalité que recouvre leur attente au quotidien. Bien entendu, il n’existe pas une seule et unique façon de faire l’expérience de l’attente et celle-ci ne constitue pas un temps homogène ni même continu. Cependant, trois séquences semblent se succéder dans l’expérience des hommes et des femmes rencontrés au cours d’un terrain conduit entre 2003 et 2008, notamment dans des centres d’accueil en région parisienne: 1. la halte qu’impose le début de l’attente et l’arrivée au foyer, 2. l’ennui qui s’installe et le temps qu’il faut remplir, 3. le contournement de l’attente.

Article de Carolina Kobelinsky, publié dans la revue Terrain, n° 63, septembre 2014. Cliquez ici pour lire l’article complet sur le site de la revue.

Kobelinsky-attenteConclusion: La fin de l’attente

L’aliénation du temps n’est pas un objectif de la politique d’asile, ni de la politique d’accueil. Elle est plutôt un effet des bureaucraties. Un effet avec, à son tour, des conséquences sur la vie des demandeurs d’asile hébergés dans un espace qui, après un premier moment de repos et de protection, les confine et les place à l’écart, dans un provisoire qui s’étale dans le temps. Si elle s’injecte dans la texture du quotidien, l’attente modifie également le rapport des demandeurs d’asile à leurs projets d’avenir, qui se trouvent dans une impasse. À travers les parcours et les perceptions de Klara Golounova et d’Aké Koné, j’ai souhaité restituer l’épaisseur des vies dans l’attente, en montrant comment cette dernière est à la fois un temps creux – perception d’une temporalité vide et expérience de l’ennui – et un temps rempli – expérience d’une temporalité rythmée par des activités avec des horaires qui cachent l’impression d’un temps élastique. Quant à la fin de cette période pour ces deux interlocuteurs, Aké Koné a été convoqué à la Cour nationale du droit d’asile en mars 2008, quarante mois après le début de la procédure, et quelques mois seulement après la nouvelle du décès soudain de sa compagne au pays, qui l’avait complètement bouleversé. Après l’audience, les trois semaines d’attente lui ont semblé «interminables», beaucoup plus longues que tous les mois qui l’avaient précédée. Le jour de la réponse à son recours, il n’a pas eu le courage d’aller regarder les listes affichées dans le hall de la Cour. Après tant d’attente, il ne se sentait pas la «force» d’aller lui-même consulter le résultat. Klara Golounova, au contraire, attendait avec son mari l’ouverture des locaux le jour indiqué pour connaître enfin le résultat de la procédure dans laquelle ils s’étaient engagés vingt-six mois auparavant. La veille, Klara Golounova m’avait dit, anxieuse: «C’est la fin.» Son mari, plutôt discret jusque-là, était intervenu: «C’est le début.»

Cliquez ici pour lire l’article complet sur le site de la revue.