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Notre regard

Le Courrier | Thônex dit «non mais» à l’hébergement de migrants

Les élus ne veulent pas du projet de logement de migrants prévu par l’Etat dans sa mouture actuelle. Le canton maintient le cap.

Article de Florian Erard, publié dans Le Courrier, le 12 mai 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

La commune de Thônex pose ses conditions à la construction d’un centre d’hébergement pour migrants sur son sol. Mardi soir, le Conseil municipal a adopté une résolution de l’UDC amendée par le PLR. Alors que l’UDC demandait à l’exécutif de s’opposer à «toute demande d’autorisation déposée dans le but de créer un camp de migrants sur le domaine de Belle-Idée», le PLR a nuancé: le Conseil administratif doit refuser tout foyer tant que l’Etat ne donne pas de garanties quant à la durée de l’accueil de migrants et aux frais induits par celui-ci. Ainsi retouché, le texte a été adopté à treize voix contre douze, malgré un front uni de la gauche et du PDC. Ce vote a surtout valeur de signal puisque l’Etat est propriétaire de la parcelle.

Garanties demandées
Le canton, via l’Hospice général, a indiqué, fin 2015, vouloir installer des logements modulables pour 370 migrants. La demande d’autorisation a été publiée vendredi dernier dans la Feuille d’avis officielle. Mais le Conseil administratif n’entend pas laisser le champ libre au canton. Il avait déjà signifié son intention de faire recours. Selon lui, l’Etat ne garantit pas clairement la prise en charge de la majorité des coûts engendrés par la présence de migrants, ni ne certifie que les bâtiments ne seront érigés pour dix ans seulement. En début d’année, c’est toutefois l’UDC qui avait initié le débat avec une pétition, signée par un peu plus de 400 personnes sur 14’000 habitants. Le texte avait été balayé en plénière.

Mardi soir, avec sa résolution, l’UDC entendait donner un signal fort: «Notre texte est un signe de contestation: l’Etat ne peut pas imposer ses vues de la sorte», explique Richard Stark. Mais pourquoi s’opposer au projet? La résolution évoque un risque de précarisation accru de la commune ainsi qu’un potentiel «déséquilibre» social et des «conflits». Quant au PLR, il a souhaité se démarquer de l’UDC: «Thônex doit faire preuve de solidarité, mais également s’assurer qu’il s’agisse d’un projet financièrement responsable», déclare Edouard Houman.

Les opposants à la résolution ont, de leur côté, rappelé la commune à son devoir d’accueil. Le PDC a dénoncé l’emploi «abusif» du terme «camp de migrants». L’élu Philippe Calame met également en garde: «Recourir pour dire que nous ne voulons pas de ces logements est insuffisant. Nous pourrions subir une amende pour recours téméraire.» «Le Conseil d’Etat est très dirigiste. Ce n’est donc pas en bloquant le projet que nous nous ferons entendre», plaide en outre Adrien Rufener, de la Gauche sociale.

Passage en force de l’Etat?
Le maire Philippe Decrey sait que l’Etat est souverain sur son terrain, mais reste convaincu qu’un recours permettra de réclamer des garanties. «Le Conseil administratif est tout de même le gardien des finances publiques.» Mais concrètement, la marge de manœuvre de Thônex est ténue: «Le recours permettra de négocier des détails comme la superficie des bâtiments.» Un recours de la commune pourrait donc uniquement retarder l’installation des modules.

Par ailleurs, M. Decrey s’inquiète que l’abri de protection civile (PC) Jeandin (50 places), sur le sol de sa commune, figure sur la liste des espaces qui pourraient être réquisitionnés par l’Hospice. «L’Etat dit être attentif à la répartition des migrants à Genève, mais ouvrir l’abri Jeandin serait exagéré!»

De son côté, le canton rappelle qu’hormis les frais de voirie, la scolarisation ou encore les repas à la cantine seront pris en charge par, respectivement, le Département de l’instruction publique et l’Hospice. Quant à la question d’éventuels frais supplémentaires en termes de sécurité dans la commune, l’Hospice a déjà répondu, début avril, qu’aucun des quatorze centres d’hébergement collectifs du canton n’a nécessité de renforcer les effectifs de police municipale. Il réitère également son engagement pour une période de dix ans, après quoi les bâtiments seront démontés. Mauro Poggia, conseiller d’Etat chargé du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, explique que le canton passera «probablement» en force: «Il n’est en effet pas humainement ni financièrement envisageable de laisser des centaines de migrants dans des abris PC.» Par ailleurs, retarder leur logement en surface contribue à la création d’une «bombe à retardement», selon lui.