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La vie des idées | L’accueil des réfugiés: compassion ou justice?

Notre justice politique est fondée sur l’appartenance des individus à une communauté politique. Force est de constater cependant que la «crise des migrants» nous pousse à réinterroger ce lien essentiel entre droits et citoyenneté, et à y répondre autrement que par la seule solidarité.

Billet de Solange Chavel, publié le 14 juin 2016 sur le site La vie des idées. Cliquez ici pour lire l’article complet sur le site La vie des idées.

La «crise migratoire» qui émaille l’actualité européenne depuis le début de la décennie revêt incontestablement les traits d’un problème moral : exemplifiée par les récits souvent tragiques d’individus prisonniers des circonstances, elle provoque des réactions d’empathie fortes, qui poussent à la solidarité morale. Mais, au-delà de l’appel à la charité, la pitié et la solidarité, cette crise migratoire doit-elle également nous inviter à revoir certains principes politiques, et si oui lesquels?

Si on répond par la négative, alors la crise des migrants est avant tout un problème adressé à notre sens individuel de la charité. Dans un monde imparfait aux règles de justice politique établies, la revendication des migrants serait avant tout un appel à la solidarité, chaque individu restant seul ultime juge, en son for intérieur, de ce que l’éthique lui impose. Crise ponctuelle due à des circonstances particulières de politique extérieure, elle pourrait être gérée comme une circonstance exceptionnelle, les règles gérant la mobilité internationale restant indiscutées.

Mais on peut au contraire interpréter la «crise migratoire» comme une remise en cause de notre paradigme actuel de la justice politique. Dans ce cas, la crise des migrants n’est plus seulement un test de notre générosité privée, mais bien une occasion de réviser certains fondements de nos systèmes de justice politiques. Depuis les révolutions du XVIIIe siècle, notre idéal de justice publique s’est constitué par élargissements progressifs sur le fondement de l’égalisation des droits au sein des systèmes politiques nationaux. Avec la «crise des migrants» se rouvre la possibilité d’interroger les limites géographiques et institutionnelles de ces revendications de droits. Dans ce cas, la «crise des migrants» n’est plus seulement un problème d’ajustement à la marge entre le monde tel qu’il est et nos idéaux politiques; elle touche la nature même et la forme de ces idéaux. Ce qui est en cause n’est pas seulement notre capacité à vivre à la hauteur de nos principes de justice, mais bien la forme et l’étendue de ces principes eux-mêmes.

L’objet de cet article est de plaider en faveur de cette deuxième lecture, et d’indiquer à quelles conditions cette remise en cause politique peut prendre la forme d’une utopie créatrice.

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