Terra Cognita | L’asile, la frontière et le territoire

L’asile a historiquement toujours été lié à un territoire bien défini et nous sommes encore loin aujourd’hui d’un droit humain universel à la protection. La nécessité pour les réfugiés d’entreprendre de dangereux voyages, tout comme la résurgence récente des murs et des frontières, en sont les tristes conséquences.

Article de Etienne Piguet, publié dans Terra Cognita, revue suisse de l’intégration et de la migration, n°31, automne 2017, pp.54-56. Cliquez ici ou sur l’image ci-dessous pour télécharger la revue.

La centralité de la dimension territoriale de la protection et la réduction des voie d’accès alternatives que nous venons de mettre en évidence permettent de mieux comprendre la situation à première vue absurde des régimes d’asile actuels. Elles expliquent la nécessité, pour un requérant d’asile, d’entreprendre un périlleux voyage afin de faire valoir son droit à la protection. S’il parvient à poser physiquement le pied sur le territoire d’accueil ses chances de bénéficier d’une protection et d’un séjour sont élevées car les taux de protection et les voies de régularisation restent relativement favorables et les rapatriements forcés limités. Dans ce contexte, la frontière devient un élément central de la crise migratoire (Cornelisse 2016: 75).

Paradoxalement, son franchissement par un réfugié implique en effet une perte de souveraineté pour l’état d’accueil qui se voit contraint, par ses propres engagements internationaux, à octroyer des droits. Franchir la frontière ou même seulement l’atteindre devient, en vertu des clauses de non-refoulement, la seule chance des réfugiés tandis que la fermer ou la rendre inaccessible est un moyen pour les Etats d’éviter de devoir répondre aux demandes croissantes de protection. La multiplication des murs et la militarisation croissante des frontières mais aussi les mesures de contrôle en amont visant – comme l’accord de 2016 entre l’UE et la Turquie – à tenir les demandeurs d’asile à distance de leurs propres droits en sont les regrettables conséquences.