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Documentation

Revue Vacarme | Résistance féminine à Idleb: itinéraire d’une activiste

Ce texte donne la parole à Dina, une jeune femme syrienne originaire de la ville d’Idleb. Cette ville moyenne du nord de la Syrie, à soixante kilomètres d’Alep, a alternativement été contrôlée par le régime et par les forces d’opposition, avant de passer sous le contrôle du Jabhat al-Nosra («Front de la victoire»), groupe de combattants jihadistes qui constitue l’une des composantes islamistes de l’opposition armée en Syrie. Nous nous sommes rencontrées à plusieurs reprises entre la libération d’Idleb en mars 2015 et novembre 2017. Dina a été forcée de quitter sa ville lorsqu’al-Nosra a découvert qu’elle dispensait des formations à des femmes et des enfants sur leurs droits politiques et civiques. Elle vit désormais en exil à la frontière turco-syrienne et attend avec impatience la chute d’al-Nosra pour pouvoir rentrer chez elle.

 Article de Charlotte Loris-Rodionoff, publié dans la revue Vacarme (n°83/2018). Cliquez ici pour lire l’article complet sur le site de la revue.

Quand je rencontre Dina en Turquie en 2015, elle habite encore dans le nord de la Syrie, dans la ville d’Idleb où elle vit avec ses parents et enseigne les mathématiques à l’université. Elle se rend régulièrement en Turquie où elle passe en moyenne deux semaines tous les deux mois afin de coordonner son travail avec l’organisation pour laquelle elle donne des formations en droits de l’homme et en éducation politique et civique à des groupes de femmes dans la région d’Idleb. «C’est comme d’être schizophrène de devoir naviguer entre la Turquie et la Syrie! On s’habitue rapidement aux conditions dans lesquelles on vit puis on doit soudainement en changer.» dit-elle, tout en expliquant qu’à Idleb elle doit désormais porter une abaya, ce long vêtement noir couvrant qui se porte au-dessus des habits, et être complètement voilée en noir, alors qu’en Turquie elle peut s’habiller comme elle le veut.

Elle n’aime pas passer trop de temps en Turquie, bien que cela lui permette de souffler, car vivre à Idleb n’est pas de tout repos. Elle n’arrive pas à apprécier la vie en Turquie: faire du shopping, sortir ou aller au restaurant lui procurent moins de plaisir que de culpabilité. Elle souligne avec humour que même si elle faisait les magasins en Turquie, elle ne pourrait porter à Idleb aucun des habits qu’elle achèterait: «On ne peut pas se maquiller, mettre du vernis à ongles, ni s’habiller comme bon nous semble.» Elle dresse une liste des différences principales: «Ici on peut prendre une douche chaude tous les jours, on n’a pas à se préoccuper des coupures d’électricité ou de charger son téléphone avant la coupure. Et puis on est bien chauffés! La dernière fois que je suis venue, c’était encore l’hiver. Ma mère m’a recommandé de prendre plein d’habits chauds. Chez nous, à Idleb, nous n’avons de chauffage que dans une pièce, alors on a très froid dès qu’on en sort. Mais la chambre d’hôtel que l’on m’avait réservée était tellement surchauffée que j’ai dû garder les fenêtres ouvertes!»

La plus grande différence entre la vie en Syrie et en Turquie est l’absence d’avions ou d’hélicoptères signalant un bombardement imminent. Mais Dina souligne que même en Turquie, le moindre bruit d’avion ou d’hélicoptère la terrorise. Elle se souvient qu’après que la maison de sa sœur a été détruite dans un bombardement, cette dernière s’est installée avec ses enfants et son mari chez leurs parents. Sa nièce n’arrivait pas à dormir, terrifiée par la possibilité d’un nouveau bombardement. Pour la calmer, Dina lui a dit de ne pas s’inquiéter, que les avions eux aussi dormaient la nuit. Mais à peine l’avait-elle endormie qu’une bombe-baril est tombée sur leur maison. La petite fille ne pouvait pardonner à sa tante de lui avoir menti. Dina me raconte qu’elle lui a parlé au téléphone quelques jours plus tôt et lui a demandé si elle préférait Idleb ou l’Allemagne. La petite lui a répondu du tac-au-tac: «l’Allemagne: il n’y a pas d’avion ici!». La parole est maintenant à Dina.

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