Fin décembre 2017, le Tribunal administratif (TA) de Rennes (France) a annulé le renvoi vers l’Italie d’un ressortissant soudanais et enjoint au préfet «de l’autoriser à solliciter l’asile». L’homme craignait des mauvais traitements et un refoulement vers le Soudan sans examen de sa demande d’asile, en raison de la situation migratoire que connaît l’Italie et d’un accord de réadmission passé entre Rome et le Soudan, dénoncé par Amnesty International dans un rapport du 3 novembre 2016.
Le requérant avait invoqué une violation de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et du Règlement Dublin III. Le juge le suit dans son argumentation : il conclut que le requérant « justifie de motifs sérieux de croire qu’à la date du 20 décembre 2017 (…) il existait en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs susceptibles d’entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant(…) ».
Selon le TA, « les allégations du requérant selon lesquelles il aurait subi des brutalités de la part des policiers pour faire enregistrer ses empreintes malgré son opposition à le faire sont confortées par les nombreux témoignages recueillis par différents organismes internationaux » (…). Outre le rapport d’Amnesty, le tribunal cite les rapports de l’OSAR du 15 août 2016 ainsi que le rapport conjoint de l’OSAR et du Danish Refugee Council du 9 février 2017.
Il retient que « les conditions subies par le (requérant) dans le ’hotspot’ en Sicile ont pu créer, s’ajoutant aux situations précédemment vécues en Libye, un sentiment d’arbitraire, d’infériorité et d’angoisse ainsi qu’une profonde atteinte à la dignité que provoquent indubitablement ces conditions d’arrivée; qu’elles s’analysent en un traitement dégradant lors de son arrivée sur le sol italien (…) » (ibid.).
L’homme a fui la guerre au Soudan en 2014, été contraint de travailler sans rémunération en Libye jusqu’en 2017. Il a ensuite rejoint la Sicile par bateau, puis la France, en franchissant les montagnes à pied.
SOPHIE MALKA
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