Appel d’elles | Retour sur la campagne
Une oreille côté autorités ?
Alors que dans la société civile, l’Appel d’elles a eu un large écho et soulevé beaucoup d’émotion, du côté du Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM), les réactions sont lentes, décevantes à bien des égards, mais laissant toutefois un espoir d’ouverture sur la «question genre». L’effort de vigilance reste donc indispensable ainsi que la nécessité d’un important réseau pour protéger ces femmes et enfants extrêmement vulnérables.
Danielle Othenin-Girard, en collaboration avec Marianne Ebel, décrivent ce qui s’est passé suite au dépôt de 8371 signatures pour l’Appel d’elles en mars 2018.
Pour mémoire : c’est au printemps 2017 que l’Appel d’elles a été lancé en Suisse romande. Son but : demander aux autorités fédérales de reconnaître comme motif d’asile les violences faites aux femmes tout au long de leur parcours migratoire, de leur assurer des soins appropriés et d’arrêter immédiatement leur renvoi vers l’Italie ou autre pays ne pouvant leur procurer une sécurité suffisante.
Au travers d’une campagne marquée par une large diffusion de témoignages (voir n° de Vivre Ensemble 162,166 et 167), cet appel a récolté plus de 8500 signatures. Le dépôt à la Chancellerie fédérale (8371 paraphes) a eu lieu le 8 mars 2018 ; par la suite le collectif a réussi à obtenir une rencontre avec la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga.
Cette entrevue, malheureusement de trop brève durée, a néanmoins débouché sur la possibilité d’adresser par écrit nos demandes. En particulier celles relatives à la formation continue et obligatoire des collaborateurs/trices du SEM en matière de violences spécifiques au genre, ainsi que nos propositions pour l’application de la Convention d’Istanbul. Comme le temps imparti ne permettait pas de traiter des situations des femmes qui nous préoccupent particulièrement, M. Gattiker a fait la proposition de lui transmettre les dossiers en question pour examen.
Saisissant cette opportunité, le collectif Appel d’elles adresse de temps à autre un tel dossier au SEM, mais sans savoir au juste si cela conduit ou non à des résultats positifs. Nous avons aussi transmis des propositions concrètes en sept points au Conseil fédéral concernant notamment la formation et l’application de la Convention d’Istanbul. Mme Sommaruga en a pris acte et donné mandat au SEM d’y répondre. Les réponses sont en cours. Question cruciale et urgente à la veille de l’ouverture des Centres fédéraux, avec la problématique des procédures accélérées : quelles mesures concrètes sont mises en place par le SEM pour former le personnel chargé des auditions sur toutes les questions spécifiques genre ? A ce jour, et notre impatience s’accroît, nous n’avons reçu aucun engagement quant à la constitution d’une équipe de spécialistes sur la base d’une formation approfondie et obligatoire.
Quant au réexamen de dossiers : Si quelques situations se sont résolues positivement, nombreux sont les dossiers qui restent en suspens. Et plus grave, les renvois continuent, parfois sous forme d’expulsions brutales, comme ce fut le cas pour une femme érythréenne violemment expulsée vers la Grèce avec son enfant de 20 mois.
Il est donc impératif de poursuivre la résistance, non seulement en sensibilisant la population, mais en cherchant des moyens pour assurer une protection à ces femmes.
L’Appel d’elles va continuer à se faire connaître, à chercher de nouvelles forces. En janvier 2019 une information sera envoyée aux signataires dont nous avons l’adresse. Il sera fait mention de la Convention d’Istanbul, ratifiée par la Suisse, et qui concerne directement les personnes vulnérables que nous défendons. Il est aussi prévu d’organiser au printemps une rencontre européenne à l’initiative de la Marche mondiale des femmes, une riche occasion pour renforcer le réseau de l’Appel d’elles.
A suivre…
Pour le collectif d’Appel d’elles
Danielle Othenin-Girard,
avec la collaboration de Marianne Ebel
Décembre 2018