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Notre regard

L’ONU condamne la Suisse pour l’examen lacunaire de la demande d’asile d’un ressortissant érythréen

Le 7 décembre 2018, le Comité contre la torture (CAT) a déclaré que la décision de renvoi prise par la Suisse envers un requérant érythréen violait la Convention de l’ONU contre la torture (M.G. c. Suisse, Communication n° 811/2017). Dans sa plainte au CAT, le requérant invoque le risque de subir des mauvais traitements (violation des art. 3 et 16 de la Convention) en cas de renvoi en Érythrée. Il affirme qu’il serait incorporé au service national, vu son âge et le fait qu’il a quitté le pays sans autorisation. Le Comité de l’ONU exige que la Suisse procède à une nouvelle instruction du dossier en tenant compte des risques auxquels il ferait face en cas de renvoi. Une instruction que ni le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) ni le Tribunal administratif fédéral (TAF) n’ont faite de façon correcte et équitable, estime le CAT.

Le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM), auteur de la procédure devant le CAT, estime que cette décision questionne à la fois la pratique des autorités en matière d’asile concernant l’accès à la justice, mais aussi l’évaluation par la Suisse de la situation en Érythrée.

Le Comité cite en effet les conclusions alarmantes de la rapporteuse spéciale sur les droits humains en Érythrée de juin 2018. Celle-ci relève que «la torture et autres actes inhumains continuent d’être commis ». Elle qualifie le Service national de durée indéterminée « d’asservissement d’une population entière » et donc d’un crime contre l’humanité et estime que « les détenus sont particulièrement vulnérables aux violations des droits de l’homme».[1]

Les craintes du requérant étaient donc bien fondées et le TAF s’est trompé en estimant que le recours était voué à l’échec, commente le CSDM, qui invoquait également de graves vices de procédure. Le CAT retient que l’audition sur les motifs d’asile menée par le Secrétariat d’État aux migrations s’est déroulée sans le concours d’un conseil juridique et en tigrina alors que la langue maternelle du requérant est le bilen. Par ailleurs, le TAF aurait dû prendre des mesures pour vérifier l’authenticité des documents fournis par le requérant avant de les écarter en invoquant leur prétendue falsification. Quant à l’avance de frais de 600 frs exigée par le TAF pour entrer en matière sur le recours, le CAT la considère comme inéquitable. Le recourant étant interdit de travailler et n’ayant droit qu’ à 415 frs par mois d’aide sociale (montant octroyé aux demandeurs d’asile), il ne pouvait s’en acquitter et s’est retrouvé privé d’un « examen effectif indépendant et impartial » de ses griefs, ce qui constitue une violation de l’art. 3 de la Convention. Le Comité demande donc à  la Suisse d’examiner le recours et de l’informer des mesures qu’il aura prises pour y donner suite dans un délai de 90 jours. Il convient de noter que la requête avait été déposée en mars 2017, soit avant la jurisprudence du TAF de juillet 2018 selon laquelle les renvois vers l’Érythrée sont en principe licites et exigibles. Celle-ci est également à l’examen devant le CAT.

ML/BW

[1] Assemblée générale des Nations Unies, « Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée», A/HCR/38/50, 25.06.2018.

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Une manifestation est organisée le mercredi 10 avril à l’occasion de la remise de la pétition en soutien aux Érythréennes et Érythréens au Grand Conseil genevois.