Décryptage | La protection juridique en matière d’asile: un millefeuille incomplet
Le 1er mars 2019, la restructuration en matière d’asile est entrée en vigueur, accompagnée d’un cortège de communications sur la protection juridique dont bénéficierait dorénavant tout demandeur d’asile en Suisse. En réalité, plusieurs systèmes de protection juridique cohabitent désormais dans le domaine de l’asile. Entre préexistant, nouveauté et lacunes, petit tour d’horizon de le la portée et des délimitations du nouveau système.
L’ASSISTANCE JUDICIAIRE
1. fondée sur la loi sur la procédure administrative (art. 65 al.1 et 64 al. 1 PA)
Cette assistance couvre uniquement les démarches entre- prises par les demandeurs d’asile dans le cadre de leur recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF). Elle ne peut donc être invoquée en première instance et est accordée au cas par cas et selon des conditions strictes.
L’art. 65 al.1 PA prévoit tout d’abord la dispense des frais de procédure normalement exigés par le TAF, à la double condition que le demandeur soit indigent et que son recours ne paraisse pas d’emblée voué à l’échec. Il s’agit ici d’éviter que la situation financière du demandeur fasse obstacle à l’accès à un tribunal indépendant. En fin de procédure, sur la base de l’art. 64 al. 1 PA, si le recours est tranché favorablement, le demandeur d’asile se verra rembourser partiellement ou intégralement les frais engagés pour assurer sa représentation auprès du Tribunal. S’il perd, ces frais resteront à sa charge.
Cette assistance juridique fut, pendant longtemps, la seule dont les demandeurs d’asile et leurs mandataires pouvaient se prévaloir.
2. fondée sur la loi sur l’asile (art. 102m LAsi)
Introduite dans la LAsi le 1er février 2014, cette assistance judiciaire est octroyée en début de procédure de recours par le TAF, si et seulement si ce recours n’apparaît pas prima facie voué à l’échec (art.102m). Là encore, ce n’est qu’en fin de procédure que les frais engagés par le demandeur lui sont remboursés, mais cette fois que le recours échoue où qu’il aboutisse.
Cette assistance se distingue de la première par le fait qu’elle n’est octroyée qu’aux représentants juridiques titulaires d’un diplôme universitaire en droit habilités à représenter les demandeurs d’asile de manière professionnelle. Ensuite, elle ne peut être octroyée que pour des recours contre certaines décisions du SEM en procédure étendue exhaustivement désignées par la loi, à savoir les décisions de non-entrée en matière ou les décisions ordinaires de renvoi pour autant qu’il s’agisse d’une première procédure d’asile ; les décisions de révocation ou d’extinction de l’asile ; les décisions de levée de l’admission provisoire ; finalement, les décisions d’octroi de la procédure provisoire. Pour les autres décisions, par exemple celles rendues au terme d’une demande d’asile multiple ou d’un réexamen fondé sur un fait nouveau, d’une procédure d’inclusion d’un conjoint dans un statut c’est l’assistance prévue par la loi sur la procédure administrative qui s’appliquera.
Là encore, cette assistance n’est pas le fruit de la restructuration qui vient d’être mise en œuvre.
Dans ces deux systèmes, le demandeur doit avancer les frais de représentation de sa poche. S’il est indigent, il doit trouver un mandataire ou un représentant qui accepte de travailler à crédit et sans garantie de récupérer sa mise au final. Dans la majorité des cas, ce sont des structures associatives, financièrement fragiles, qui assument ce risque financier.
LA PROTECTION JURIDIQUE FINANCÉE PAR LE SEM
Il s’agit de la protection juridique introduite au 1er mars 2019. Elle se décline en deux volets: la protection juridique en procédure accélérée et celle en procédure étendue.
a. La procédure accélérée, censée absorber 60 % des demandes d’asile selon les projections du SEM, concerne prioritairement les procédures Dublin et celle de renvoi vers certains pays. Le taux de recours y est généralement faible. C’est pourtant pour celle-ci uniquement que la protection juridique peut-être jugée complète, dans la mesure où elle concerne les différentes étapes de procédure, du dépôt de la demande d’asile jusqu’au recours auprès du TAF. Le bureau de consultation juridique touchera un défraiement forfaitaire par demandeur d’asile pour l’ensemble des actes de procédure, qu’il les accomplisse ou non.
Si le demandeur d’asile souhaite être défendu par un autre mandataire que celui qui lui a été attribué, aucun financement n’est prévu si ce n’est ceux décrits précédemment (voir assistance judiciaire).
b. La protection juridique en procédure étendue concerne les quelque 40 % de demandes d’asile restantes, traitées en partie depuis les centres de procédure fédéraux, mais ensuite attribuées à un canton, où sera envoyé le demandeur. De facto, ces cas sont les plus complexes, à savoir ceux qui n’ont pu être tranchés dans le délai de 140 jours prévus pour ce faire dans les centres.
Or, dans le cadre de cette protection juridique étendue, seules quelques étapes de procédure sont couvertes par le financement du SEM, à savoir la préparation du demandeur à son audition complémentaire, son accompagnement à l’audition et l’éventuel exercice d’un droit d’être entendu. Aucune prise en charge n’est prévue par exemple pour les entretiens de prise de mandat, pour les démarches liées à l’envoi de preuves ou à l’établissement de problèmes médicaux.
Mais surtout, aucune prise en charge n’est prévue pour le recours. Ceux-ci seront donc défrayés selon les modalités de l’assistance judiciaire de la PA et de la LAsi, en fonction du type de décision rendue et des qualifications du mandataire. Ce n’est qu’en cas de succès du recours ou d’octroi de l’assistance juridique de l’art. 102m LAsi que le demandeur pourra donc accéder à une véritable protection juridique.
MARIE-CLAIRE KUNZ