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Notre regard

J’ai dû quitter mon pays à cause du mariage forcé

Peut-être que mon papa voulait cela pour mon bien. Il me disait: «C’est moi ton papa, c’est moi qui sais ce qui est bon pour toi ». J’avais plus de 20 ans. L’homme avait plus que 60 ans, il était déjà marié, il avait déjà 5 enfants. Comme musulman, il avait le droit de se marier encore une fois. Il travaillait avec le gouvernement et il était riche. C’est peut- être pour ça que mon papa voulait me marier. Mais je n’ai pas accepté ça, j’avais besoin de continuer mon école. Donc j’ai répondu non à mon papa. Il n’a pas aimé, la famille non plus. La famille était fâchée contre moi, mon papa était fâché. Mon frère est parti chez l’homme pour lui dire que je ne voulais pas me marier, mon frère lui a dit : « Laisse tranquille ma soeur». L’homme a sorti son pistolet contre mon frère.

C’est pour ça que j’ai quitté mon pays. Mais pour la Suisse, ce n’était pas une raison pour me donner l’asile. En Suisse, j’ai dit que j’étais là parce qu’on voulait me faire faire un mariage forcé. Et je ne voulais pas, pour continuer d’étudier. On m’a posé des questions sur les raisons politiques de mon départ de l’Éthiopie. Mais je ne suis pas venue en Suisse pour des raisons politiques. Je ne suis pas venue non plus pour des raisons économiques. Mon problème était que je voulais continuer d’étudier et que mon papa n’était pas d’accord, il voulait me marier. Je ne pouvais pas rester entre deux familles qui se bagarraient à cause de moi. Alors j’ai eu une décision « négative », le « papier blanc » pendant 10 ans !

Comme femme, c’est très difficile. Tu laisses ta famille là-bas. Tu dis non à ton papa. Tu te fâches avec tout le monde. Et je n’ai pas trouvé ici ce que je laissais là-bas. J’ai trouvé que c’était pire ici. Parce qu’on n’a pas compris ce que je voulais. Je ne voulais pas des papiers, je voulais qu’on me laisse faire quelque chose, étudier et travailler. Laissez-moi étudier, laissez-moi travailler ! Comme femmes, c’est plus difficile. Pire encore quand il y a des enfants. Moi, je dis ce que je sens. Mais il y a beaucoup de femmes qui ne disent pas ce qu’elles ressentent. Le plus difficile c’est ça: les femmes migrantes, elles ne parlent pas. Moi, ce n’est pas comme ça. On m’a aidée parce que j’ai communiqué avec beaucoup de personnes. Ça aide beaucoup quand on parle.

Au président de la Suisse, j’aimerais lui dire: « Ton pays ne respecte pas les femmes. Tu parles mais c’est tout. Si tu avais le respect des femmes, tu devrais faire autrement. On m’a refusé l’asile parce que le mariage forcé pour toi c’est rien. Ici, on m’a forcée à rester à la maison sans rien faire. C’est comme si on m’avait enfermée, mise en prison. Les femmes réfugiées sont aussi des femmes ». C’est ça que je lui dirais. Respecter les femmes, c’est pas seulement parler et ouvrir des bureaux pour dire qu’on fait des choses pour les femmes. Ça, c’est n’importe quoi!

F.S., réfugiée éthiopienne, arrivée en Suisse en 2009, avec un permis F depuis 2018

Une série de témoignages filmés sont disponibles sur le site feministasylum.org