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Notre regard

Témoignage d’une sage-femme auprès des femmes requérantes d’asile

En tant que sages-femmes, nous sommes formées pour accompagner les femmes au cours de la grossesse, de l’accouchement et de l’après-naissance. Nous apprenons que l’environnement de la maternité est déterminant pour que les événements se déroulent sans complication. Une attention particulière est portée à la femme récemment accouchée, afin d’éviter la dépression du post-partum aux répercussions néfastes pour les enfants.

Ces situations ignobles nous empêchent de travailler comme on nous l’a enseigné.

Et les conditions ne s’améliorent pas.

Alors que la Commission nationale de prévention de la torture, s’appuyant sur les recommandations du HCR, appelle depuis 2018 à reporter les renvois de femmes enceintes dès la 28e semaine de grossesse et jusqu’à 8 semaines après l’accouchement, le Secrétariat d’État aux Migrations, le SEM, se refuse d’adopter des mesures de protection: c’est jusqu’à 32 semaines de grossesse et dès 7 jours après leur accouchement que l’expulsion des mères est possible. 7 jours !

Ces mesures préconisées par le SEM sont contraires à la physiologie de la maternité, elles sont contraires à la déontologie enseignée dans les écoles formant les soignant·es, elles sont contraires aux valeurs morales dont se réclame notre société.

Enceintes ou accouchées, les femmes ne doivent pas être renvoyées.

Mais comment faire quand je dois prendre en charge…

Mme A. qui vit dans la crainte du moment de son expulsion de la Suisse, moment qui coïncide avec le terme prévu de son accouchement?

Mais comment faire quand je dois prendre en charge…

Mme C. qui vient d’avoir un bébé, dont le père est en Suisse depuis 12 ans, au bénéfice d’un permis C, qui a un travail fixe, qui désire se marier, qui a reconnu le bébé. La date du renvoi de la maman s’approche et ne la laisse pas dormir. Elle est suivie par un psychiatre.

Mais comment faire quand je dois prendre en charge…

Mme B. qui se fait embarquer à destination de l’Italie, sous le coup d’un renvoi Dublin. C’est 4 h du matin, la police entre brusquement dans sa chambre, la menotte et l’embarque. C’est un policier qui porte le bébé dans ses bras, un autre tient le petit garçon de 5 ans par la main. C’est justement ce petit garçon qui fait l’interprète entre la police et sa maman.

VIVIANE LUISIER, SAGE-FEMME