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Notre regard

Reportage | Un escape game pour comprendre les migrations

Najma Hussein

Il est 11 h 47. Au lieu de partir en pause de midi, six élèves du Collège Émilie Gourd se retrouvent pour répéter une dernière fois leur rôle de meneur·euses de jeu du Serious Game, un escape game pédagogique sur les migrations. La prochaine session débute dans 10 minutes. L’équipe de Vivre Ensemble a été invitée à y participer, puis s’est glissée dans le rôle d’observatrice.

C’est en été 2019 que David Pillonel, enseignant de géographie au Collège Émilie Gourd, a l’idée de créer un escape game pour aborder le thème de l’exil forcé auprès de ses élèves de 3e année. Le jeu d’évasion retrace de véritables trajectoires de 6 personnes migrantes. Une authenticité dont les joueuses et joueurs sont informé·es d’emblée. Ils et elles doivent résoudre plusieurs énigmes s’ils veulent parvenir à sortir de l’escape room. Un exercice qui demande coopération et communication entre participant·es, mais aussi quelques connaissances sur ce que traversent les personnes cherchant une protection internationale.

« J’ai voulu tenter une nouvelle approche plus immersive et ludique», nous raconte l’enseignant, le sourire aux lèvres. Le jeu est nommé Serious game pour rappeler que les migrations restent avant tout une thématique sérieuse.

Pour réaliser ce projet, une quinzaine d’élèves de volées différentes se sont porté·es volontaires chaque année pour créer les scénarios, fabriquer les objets, des décors, les énigmes et pour assurer les rôles des meneurs de jeu. D’autres enseignant·es de l’école ont également apporté leur aide.

La construction d’un projet de A à Z avec les élèves est ce qui a motivé Marylin Gil, enseignante de chimie, à rejoindre l’aventure. Du côté des élèves, ce n’est pas la perspective d’une note ou d’un bonus qui explique leur engagement, malgré un emploi du temps souvent chargé. Certain·es ont été attirés par l’aspect « escape game », d’autres par leur intérêt pour les questions autour de la thématique migratoire. «J’étais motivé par l’enthousiasme que dégageait le prof lorsqu’il faisait sa présentation de l’escape game » témoigne aussi un élève de 2e année, meneur de jeu. Toutes et tous expriment du plaisir à participer à cette aventure.

Un escape game fait par les élèves pour les élèves

Serious game cible les élèves de 3e année du Collège Émilie Gourd, âgés de 17 à 18 ans. Il fait partie intégrante de leur programme de géographie. L’accès à l’escape game a été élargi durant 5 semaines à des experts de la migration ou des personnes extérieures afin d’obtenir leurs retours et pouvoir faire évoluer le jeu. 29 sessions au total sont ainsi animées par les élèves en dehors du temps scolaire, accompagné·es d’enseignant·es. Un investissement remarquable. Le Serious game a remporté le prix Eduki ainsi que la Bourse Françoise Demole qui ont permis de financier une partie du matériel

Photo: Najma Hussein

Ce mardi 1er mars 2022, quatre membres de l’association Centre de Contact Suisses Immigrés (CCSI) sont présents pour tester l’escape game. Actifs dans le domaine des migrations, ils et elles interviennent parfois dans les classes du Secondaire II dans le cadre de Migr’asile, un projet de sensibilisation mis en place par Vivre Ensemble. L’escape game est une autre façon d’aborder la thématique.

Au début du jeu, chaque participant·e se voit attribuer un nom, une origine, une date de naissance, une histoire, et un parcours migratoire. C’est avec curiosité qu’ils et elles découvrent leurs nouvelles identités tout en enfilant leurs chemises pour s’immerger complètement dans la vie de leurs personnages.

Du côté des élèves, une coordination se met en place assez rapidement. La fluidité est essentielle pour que l’immersion fonctionne. Sandwich à la main, talkie-walkie dans l’autre, une élève communique avec les participant·es depuis la salle de vidéosurveillance montée de toute pièce avec des ordinateurs recyclés.

Stress et incertitudes

« Parle-leur rapidement et sur un ton strict, le stress, ça se transmet », recommande l’enseignant à son élève chargée de la communication avec les joueurs. Celle-ci leur donne des indices lorsqu’elle remarque qu’ils et elles peinent à avancer. Chaque salle simule un lieu d’un parcours migratoire, que les équipier·ères tentent d’identifier à partir d’indices agrafés aux murs ou dissimulés dans des endroits improbables, entre cafards en plastique, fausses souris ou araignées éparpillées. Les éléments de décor auxquels des élèves des filières arts visuels ont contribué tentent de reproduire les conditions de vie insalubres souvent traversées par les personnes migrantes.

À la sortie du parcours, c’est l’émotion et l’enthousiasme qui dominent. Theresa nous confie avoir ressenti des moments de panique. Mehmet, qui a personnellement vécu une trajectoire migratoire, trouve le jeu exemplaire et parlant. Sa collègue Camille ne s’attendait pas à un exercice aussi immersif et complet. «Je trouve intéressant le fait que malgré la diversité dans les histoires individuelles, toutes ces personnes traversent la même chose ».

Objectifs pédagogiques

Serious game poursuit avant tout des objectifs pédagogiques. C’est un outil exceptionnel pour amener les élèves à expérimenter une trajectoire migratoire avec son lot de contraintes et de dénouements possibles. Il permet également aux élèves volontaires d’acquérir des compétences humaines, tels que le travail en équipe, la communication et la créativité.