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EPER | Permis F: assouplissement du regroupement familial

En juillet 2021, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a reconnu que le Danemark avait violé l’article 8 de la Convention pour ne pas être entré en matière sur la demande de regroupement familial d’un homme qui aurait souhaité que sa femme le rejoigne. Se fondant sur cette jurisprudence, le Service d’aide juridique aux exilé·es (SAJE) a déposé un recours sur un cas similaire en Suisse et a obtenu gain de cause. Ce jugement permet qu’une nouvelle jurisprudence se crée en Suisse également. Si cette décision est un pas en avant dans la reconnaissance des droits des personnes réfugiées, la pratique du SEM reste questionnable sous plusieurs aspects comme le mentionne Chloé Ofodu, responsable du SAJE, dans la communiqué de l’EPER.
Une femme érythréenne au bénéfice d’une admission provisoire en Suisse souhaitait un regroupement familial avec le père de son enfant. Cela lui avait été refusé par le SEM sous motif que le « délai de carence » de trois ans pour un regroupement familial applicable aux personnes admises à titre provisoire n’était pas encore échu. Porté par la jurisprudence de la CEDH, le SAJE a déposé un recours pour s’opposer à ce refus. Le TAF lui a donné raison, créant ainsi une jurisprudence nationale. Le tribunal administratif fédéral explique: « Le droit de mener une vie familiale doit être examiné au cas par cas et les limitations doivent être proportionnées. L’intérêt supérieur de l’enfant doit primer. » Selon Chloé Ofodu, en charge du SAJE: « Avec cette décision, le TAF souligne clairement que la pratique, mais aussi la loi, doivent être adaptées pour l’ensemble des personnes admises à titre provisoire.  » Néanmoins, la juriste tempère son enthousiasme regrettant que le TAF ait reconnu que deux années sont acceptables comme délai de carence, alors que cela peut-être très long pour une famille, dès lors que la séparation est souvent intervenue avant l’arrivée en Suisse.

Nous reproduisons ci-dessous le communiqué de presse publié sur le site de l’Entraide Protestante Suisse (EPER) dont dépend le SAJE (13 décembre 2022).

Retrouvez également le Communiqué de presse du Tribunal administratif fédéral « Adaptation du délai d’attente pour les regroupements familiaux » (07.12.2022), l’arrêt F-2739/2022 et la chronique juridique que l’avocat Pierre-Yves Bosshard a publié dans le Courrier en lien avec la jurisprudence de la CEDH (30.07.2021) « Un délai légal de trois ans avant un regroupement familial viole la Convention européenne des droits de l’homme« 

Assouplissement du regroupement familial grâce à un recours de l’EPER

En Suisse, les personnes admises à titre provisoire ne pouvaient jusqu’ici faire venir leur famille qu’après un délai d’attente de trois ans minimum. Grâce à un recours déposé par une juriste du Service d’Aide Juridique aux Exil·é·s (SAJE) de Lausanne, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a revu sa jurisprudence en la matière : désormais, le droit à la vie familiale pourra, dans des cas spécifiques, être pris en compte avant la fin du délai de carence de trois ans.

Photo de Laurent Peignault sur Unsplash

En 2016, après un voyage traumatisant, une mère érythréenne est arrivée en Suisse avec son fils de cinq ans et a demandé l’asile dans le pays. Dans l’espoir de voir un jour sa famille réunie, elle a gardé contact avec son mari, le père de son enfant, qui avait lui aussi fui l’Érythrée. Malgré de graves problèmes de santé, elle a réussi à apprendre le français et à trouver un emploi. Étant donné la santé également fragile de son fils, elle a souhaité pouvoir enfin compter sur le soutien de son mari. Toutefois, sa demande de regroupement familial a été rejetée par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM), au motif que le délai de carence de trois ans applicable aux personnes admises à titre provisoire n’était pas encore échu. 

Se fondant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (affaire M.A. contre Danemark), le SAJE de Lausanne a déposé un recours contre cette décision et a obtenu gain de cause : à la fin de la semaine dernière, le TAF a publié un communiqué de presse dans lequel il souligne que le droit de mener une vie familiale doit être examiné au cas par cas et que les limitations doivent être proportionnées. L’intérêt supérieur de l’enfant doit primer.  

Un pas important dans la bonne direction  

« Nous nous réjouissons que les conditions de vie des familles séparées soient désormais davantage prises en considération », affirme la responsable du SAJE, Chloé Ofodu.


Selon elle, le regroupement des familles jouerait un rôle essentiel dans le renforcement, l’encouragement et l’intégration des personnes réfugiées. Lorsqu’un retour dans le pays d’origine ou un regroupement dans un pays tiers ne sont envisageables, le regroupement familial en Suisse devrait être rendu possible au plus vite. Pour ces raison, l’EPER s’engage depuis des années, à travers ses activités juridiques et politiques, pour une amélioration du statut F (admission provisoire) et le respect du droit à la vie familiale.  

Le TAF estime qu’un délai d’attente de deux ans est acceptable. Chloé Ofodu affirme, au contraire, que deux ans peuvent être très longs, surtout pour un jeune enfant. D’autant plus qu’il faut ajouter à ces deux ans la durée de séparation pendant le trajet jusqu’en Suisse et celle de la procédure d’asile.

« Si l’entrée en Suisse est approuvée par le SEM, il se passe en général plusieurs mois avant que l’ensemble des documents soient prêts et que les retrouvailles aient enfin lieu, souligne la responsable du SAJE. Ce temps perdu dans la vie d’un enfant ne se rattrapera jamais. » 

Le SEM doit désormais réexaminer le cas de la famille érythréenne. Des mois peuvent s’écouler avant que le garçon, désormais âgé de 11 ans, et son père ne soient réunis. Néanmoins, avec cette décision, le TAF souligne clairement que la pratique, mais aussi la loi, doivent être adaptées pour l’ensemble des personnes admises à titre provisoire. 

Les personnes requérantes d’asile, réfugiées ou victimes de discriminations ne disposent souvent que d’un accès limité à des services de conseil juridique. Les bureaux de consultation juridique de l’EPER aident ces personnes à faire valoir leurs droits.

Informations et aide pour les requérant·e·s d’asile 

Le SAJE est l’un des cinq bureaux juridiques de l’EPER en Suisse. Il vise à informer, orienter et défendre les personnes requérantes d’asile, admises provisoirement et déboutées dans le canton de Vaud. Le SAJE fait aussi du plaidoyer en se fondant sur son expérience de terrain. L’EPER possède également des bureaux de consultation juridique dans les cantons de Zurich, Bâle, Saint-Gall, Soleure et Argovie.