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Statistiques

Statistiques | Apprentissage des personnes déboutées: les autorités naviguent à vue

Sophie Malka

Les autorités fédérales n’ont aucune idée du nombre de requérant·es d’asile qui suivaient une formation professionnelle au moment d’une décision d’asile négative, du nombre d’interruptions de formation suite à une décision négative ou d’une éventuelle prolongation de l’autorisation de travail nécessaire à la poursuite d’un tel apprentissage. «Il n’existe [tout simplement] pas de relevé statistique», dixit le Conseil fédéral dans sa réponse à l’interpellation Pasquier-Eichenberger[1]322.3774 Formation des requérants d’asile. Combien de personnes sont concernées?.

Ambroise Héritier / VE 181/février 2021 consacré à l’apprentissage des jeunes déboutées

Traduction: les affirmations des autorités que le problème est géré «au cas par cas», ou qu’«en règle générale» les personnes dont le renvoi n’est pas possible à courte échéance obtiennent ladite dérogation, ne sont basées sur aucune donnée factuelle.

De toute façon, ce sont les cantons qui passent à la caisse, puisqu’ils doivent quand même financer l’aide d’urgence, et tous les frais annexes liés au non-travail.

Leurs représentants à Berne feraient bien de s’en souvenir en mars prochain avant de voter sur la motion Markwalder (20.3322), qui demande pour la énième fois de permettre aux débouté·es de terminer leur apprentissage. Car ce que l’on sait, c’est que fin 2021, 430 jeunes de 14–25 ans étaient considéré·es comme des «bénéficiaires de l’aide d’urgence de longue durée», selon le SEM: cela veut dire qu’ils et elles avaient été débouté·es de leur demande d’asile depuis au moins un an.

En élargissant à toutes les personnes en âge de travailler (16 à 65 ans), on arrive à 2020 individus à l’aide d’urgence depuis plus d’un an et 430 depuis plus de 5 ans. Certain·es ont sans doute reçu leur décision négative après des mois, voire années de séjour. Elles viennent majoritairement d’Érythrée, d’Éthiopie, d’Irak, pays où les conflits armés et la dictature sont légion… Le renvoi n’y est pas envisageable et le retour inimaginable pour elles.

Ne serait-il pas plus pragmatique de les laisser travailler, comme le propose le patron de l’USAM et conseiller national du Centre, Fabio Regazzi, (le Centre), afin de diminuer les frais de l’aide sociale? Sa motion, bien qu’acceptée au National, sera sans doute retoquée au Conseil des États le 14 décembre. Elle s’est vue opposer les mêmes arguments que ceux invoqués pour l’apprentissage par le Conseil fédéral (p.7). Or, miser sur l’accélération des procédures revient à se mentir. Ce n’est pas un bon calcul, en tous cas pas pour les finances cantonales.