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Documentation

Droit de rester | Renvois de familles vers la Croatie: la goutte de trop

La police vaudoise sur ordre des autorités cantonales du Service de la population a procédé au début du mois de mai au transfert forcé de deux familles vers la Croatie. Récits traumatiques de pratiques policière contraignantes, de résistances désamorcées, de résident·es contraint de rester dans leur chambre malgré les cris alarmant, les faits sont impressionnant. Le collectif Droit de rester les relate dans un communiqué de presse, où il dénonce des pratiques jugées violentes, ramenant des familles en Croatie vers des conditions de vie précaires et dangereuses au vu des différentes dénonciations d’ONG faisant état de violences et d’abus envers les personnes réfugiées. Le collectif continue, avec d’autres voix citoyennes, professionnelle et politiciennes, d’exiger l’arrêt immédiat des renvois vers la Croatie.

Le collectif Droit de rester a envoyé un communiqué de presse le 03.05.2023. Suite à cela,

(07.05.2023) Selver Kabacalman a publié dans le Courrier « Familles renvoyées de force en Croatie. Droit de rester dénonce l’expulsion de familles avec enfant en période scolaires« .
(08.05.20223) Camille Krafft a rédigé pour le Temps « Mon enfant a pleuré tout du long, au point de vomir ».

Ces deux compléments au communiqué du collectif apportent un éclairage intéressant en donnant la parole aux personnes concernées et à la police. Nous vous en proposons des extraits ci-dessous.

Nouveaux renvois de la honte : deux familles arrachées de leur foyer à l’aube pour être renvoyées vers la Croatie, dans le plus grand mépris de la protection des enfants

03.05.2023
Les autorités vaudoises et suisses ont montré une nouvelle fois que leur acharnement envers les personnes vulnérables, fuyant l’insécurité, n’a pas de limite. Hier matin à l’aube la police est venue chercher Madame O. et sa petite fille de 18 mois ainsi que la famille V. aux foyers de Bex et de l’Auberson respectivement. Les deux familles étaient frappées d’une décision Non-Entrée en Matière (NEM) Dublin et craignaient fortement un renvoi vers la Croatie. Notre collectif est outré de devoir dénoncer une fois de plus deux renvois absurdes et inhumains.


Trois enfants scolarisés arrachés de leur quotidien en Suisse. L’un d’entre eux est couvert de griffures après l’intervention policière.
La famille V. a fui l’Afghanistan pour échapper aux persécutions des talibans et aux discriminations auxquelles elle faisait face, faisant partie de l’ethnie Hazara. Le couple et leurs trois enfants (2010, 2013 et 2016) sont arrivés en Suisse en juillet 2022. Iels avaient transité notamment par la Croatie où iels avaient subi des violences de la part des autorités croates. En Suisse, la famille est déclarée cas Dublin. Hier matin à vers 3h30 plus d’une dizaine de policiers sont venus les chercher. Iels ont résisté jusque vers 5h00. La police a alors arraché les enfants des bras des parents et mis un casque d’immobilisation et des
menottes à Monsieur. Ils ont pris les enfants de force pour que Madame suive. L’enfant le plus jeune est couvert de griffures due à l’intervention policière. La famille se trouve actuellement en état de choc total.


Femme seule et sa petite fille de 18 mois cruellement renvoyées sous les cris de Madame.
Hier matin à 5h30 la police a investi le centre EVAM de Bex et a arrêté Madame O. et sa petite fille de 18 mois. Madame, originaire de Somalie, est arrivée en Suisse en juin 2022 avec sa petite fille, fuyant les mauvais traitements subis en Croatie. Seule, Madame avait traversé la Turquie, la Grèce, la Serbie, la Croatie, la Slovénie et l’Italie. C’est en Serbie, le 9.11.2021 que sa fille est née. En Croatie, Madame est livrée à elle-même. Elle ne bénéficie d’aucune aide, vivant dans un camp insalubre, sans lait ni couches pour son bébé. Elle n’a pas accès aux soins médicaux, même quand sa fille souffre d’une bronchite. En Slovénie
elle est est enfermée dans un centre où elle doit partager sa chambre avec des hommes agressifs, consommant de la drogue. Sa petite fille n’a alors même pas un an.
En Suisse, elle espérait enfin pouvoir trouver un endroit où vivre en sécurité avec sa fille mais hier matin vers 5h une dizaine de policiers sont venus les chercher. Les cris de Madame O. ont alerté les autres pensionnaires du centre qui ont immédiatement été sommés de ne pas quitter leur chambre. Des personnes auraient vu la petite fille être enlevée à sa maman et sortie de la chambre par les policiers afin d’obliger la maman à les suivre.


Fidèle à sa politique d’obéissance aveugle aux autorités fédérales, le Service de la Population du Canton Vaud avec le feu vert de la Conseillère d’Etat, Madame Moret, aosé une arrestation et un renvoi par la force vers la Croatie, par vol spécial d’une
maman et d’un bébé de 18 mois, ainsi qu’une famille Afghane !

Ce genre de pratiques sont inadmissibles et indignes de toute autorité qui dit respecter les Droits Humains et les Droits des Enfants. Plusieurs personnes d’autres cantons se trouvaient sur le même vol parti de Zürich. A l’arrivée à Zagreb, les personnes auraient été emmenées à un centre où elles décrivent une situation hautement insalubre et où il n’y aurait pas de lieu adapté aux enfants.
Collectif Droit de rester

Le Courrier et Le Temps: deux articles en complément

Sur la base du communiqué du collectif Droit de rester, deux articles importants ont été rédigés, nous vous proposons des extraits choisis. Cela ne doit pas faire perdre de vue que l’information a un coût et que la presse indépendante a besoin de notre soutien.

Photo de Max Fleischmann sur Unsplash

Camille Kraft dans le Temps complète l’information par des entretiens avec la femme somalienne qui a été renvoyée avec son bébé de 18 mois et une résidente du centre. Leurs récits du moment où la police est venue les chercher glace le sang. Malgré le fait que la femme ne parle pas français, personne n’a été autorisé à le rejoindre pour pouvoir exprimer son refus de partir.

«J’entendais les cris de F., les pleurs de l’enfant. Comme je lui traduisais souvent des choses, mon amie me suppliait à travers la porte :«S’il te plaît A.,viens faire l’interprète!»Mais on nous avait interdit de sortir de nos chambres.»

L’amie, restée au centre cantonal de Bex, poursuit le récit en décrivant l’impact d’un départ forcé sur des familles qui résident également au centre:

«Beaucoup de gens pleuraient, raconte A. Une femme s’est évanouie.Une autre a fait une crise de panique, elle a fini à l’hôpital psychiatrique. Il y en a aussi une qui n’est pas sortie de sa chambre depuis le départ de E Et je connais une maman qui n’arrive plus à préparer à manger pour ses enfants.»

Les versions du déroulement des faits discordent dans les interviews. Le porte parole de la police vaudoise assure que tout a été effectué dans le respect de la proportionnalité et sans imposer qu’une brève séparation entre la mère et son enfant. La mère dit ne pas avoir pu nourrir son enfant, ni le changer, alors que celui-ci aurait vomi sous le coup de l’émotion.

L’article paru dans le Courrier met l’accent sur l’impact important sur les enfants et sur toute une population lorsqu’un renvoi forcé est effectué. En donnant la parole à Aline Favrat, présidente de l’Association vaudoise des enseignant•es en structure d’accueil, AVESAC, elle évoque le drame des enfants:

«Nous sommes profondément choqués par ces arrestations et le renvoi de trois enfants scolarisés dans la région de Ste-Croix vers la Croatie. L’Etat vient de leur infliger un nouveau traumatisme et des violences qui vont les marquer à vie, alors qu’ils étaient déjà suivis pour des syndromes de stress post-traumatique»

Dans le cas de cette famille, les enfants ont été arrachés des bras de leur parents, mais la police dit avoir tenté de négocier auparavant. Le père a également dû subir des mesures de contraintes. De telles entraves effectuées sur des parents devant les yeux des enfants sont contraires aux recommandations de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT).