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Documentation

ATF | Un permis B octroyé à une adolescente syrienne au nom de ses droits fondamentaux

Le Tribunal fédéral (TF) assouplit les conditions d’octroi d’un permis B pour les jeunes mineur·es titulaires d’un permis F. Dans un arrêt rendu public le 28 août 2024, le TF estime que compte tenu du temps passé en Suisse avec sa famille (10 ans) et de l’âge d’une jeune adolescente (15 ans), les désavantages « concrets » du statut d’admission provisoire (permis F) portent atteinte à ses droits fondamentaux dans la mesure où le statut prétérite la construction de son avenir. «Dans l’ensemble, lesdits désavantages entraînent une atteinte à sa vie privée telle qu’elle est protégée par l’article 8 CEDH, qui justifie de lui délivrer une autorisation de séjour.»

Atteinte à la mobilité -interdiction de sortie de Suisse- ou obstacles à l’accès à une place d’apprentissage sont ainsi cités par le Tribunal fédéral qui conclut, dans son communiqué, que «sous l’angle de l’intérêt public, il convient enfin de tenir compte du fait que son renvoi vers la Syrie ne saurait être ordonné dans un avenir prévisible.»

Cet arrêt constitue une vraie avancée pour les jeunes qui, lié·es au statut de leurs parents, devaient attendre leur majorité pour déposer une demande de permis B (leurs parents ne peuvent faire de demande de régularisation tant qu’ils sont dépendants de l’aide sociale). L’impact du statut sur la scolarité, l’avenir professionnel et au final de la place dans la société de ces enfants appelés de toutes façons à rester en Suisse sera considérable. La jeune fille était défendue par le Bureau de consultation juridique de Caritas Fribourg.

Sophie Malka (asile.ch)

Ci-dessous le communiqué du TF du 28 août 2024. Pour accéder à l’arrêt du 23 juillet 2024: 2C_157/2023

Droit au respect de la vie privée : autorisation de séjour accordée à une écolière syrienne

Communiqué de presse du Tribunal fédéral

Arrêt du 23 juillet 2024 (2C_157/2023)

Photo: Tribunal fédéral

Une jeune ressortissante syrienne, aujourd’hui âgée de 15 ans, admise provisoirement en Suisse avec sa famille depuis près de 10 ans, a droit à l’octroi d’une autorisation de séjour fondée sur le respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Le Tribunal fédéral admet son recours.

Née en 2009, la jeune ressortissante syrienne est arrivée en Suisse avec ses parents, son frère et sa sœur en 2014. La demande d’asile de toute la famille a été rejetée, mais leur admission provisoire prononcée. En 2021, l’écolière a déposé une demande d’autorisation de séjour ; la demande a été rejetée par le Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, ce que le Tribunal administratif cantonal a confirmé.

Le Tribunal fédéral admet le recours de la jeune fille. La cause est renvoyée au Service cantonal afin qu’il délivre une autorisation de séjour à la recourante. Celle-ci se prévaut du droit au respect de sa vie privée garanti par l’article 8 CEDH. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a déjà constaté que le statut d’admis provisoire peut, dans certaines situations, porter atteinte à la vie privée. Il convient ainsi de souligner à cet égard que la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration prévoit que les demandes d’autorisation de séjour déposées par un étranger admis à titre provisoire et résidant en Suisse depuis plus de cinq ans doivent être examinées de manière approfondie en fonction de son niveau d’intégration, de sa situation familiale et de l’exigibilité d’un retour dans son pays de provenance. Dans le cas d’espèce, le statut d’admise provisoirement de la recourante comporte des désavantages concrets, compte tenu de la durée de son séjour en Suisse et de son âge. Dans l’ensemble, lesdits désavantages entraînent une atteinte à sa vie privée telle qu’elle est protégée par l’article 8 CEDH, qui justifie de lui délivrer une autorisation de séjour. Compte tenu de son âge, elle subit plus fortement les désavantages liés au statut d’admise provisoire que des enfants plus jeunes. À mesure que la recourante s’approche de la majorité, son intérêt à pouvoir affirmer son droit de présence en Suisse s’accroît. Les contraintes liées à la mobilité internationale doivent en outre être prises en considération ; la recourante a atteint un âge où elle peut être amenée à se rendre à l’étranger à des fins de formation ou dans le cadre de sorties scolaires. Il convient en particulier de tenir compte du fait qu’elle s’approche de la fin de la scolarité obligatoire et qu’elle est ainsi déjà confrontée à la question de la poursuite de sa formation. Son admission provisoire peut constituer, dans ce contexte, un frein lors de la recherche d’une place d’apprentissage. La recourante a en outre fait tous les efforts d’intégration que l’on pouvait attendre d’elle. Sa maîtrise du français et ses résultats scolaires sont excellents compte tenu des circonstances. Sous l’angle de l’intérêt public, il convient enfin de tenir compte du fait que son renvoi vers la Syrie ne saurait être ordonné dans un avenir prévisible.