Caritas | Demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle : pratiques confuses de la Suisse
Ces dernières années, plusieurs décisions rendues par le SEM et le TAF imposent souvent un «devoir de discrétion» aux requérant·es qui déposent une demande d’asile basée sur l’orientation sexuelle, leur demandant de mener une vie «discrète» et «raisonnable» pour éviter des persécutions après leur renvoi dans leur pays. Nous relayons le communiqué de Caritas à propos de ces méthodes qui ne sont conformes ni aux propres directives du SEM, ni au droit international.
L’orientation sexuelle d’une personne est indissociable de son identité. De ce fait, la Convention de 1951 sur le statut de réfugié – que le SEM rejoint – considère que les (craintes de) persécutions basées sur l’orientation sexuelle justifient la reconnaissance du statut de réfugié·e. Malgré cela, la pratique demeure confuse en Suisse.
Ci-dessous, le communiqué de Caritas suisse.
Une pratique confuse de la Suisse
Traitement des demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle
24 octobre 2024
Vous êtes persécutés dans votre pays en raison de votre orientation sexuelle ? Rentrez chez vous et menez une vie «discrète» et «raisonnable». En réponse aux demandes d’asile motivée par l’orientation sexuelle, le SEM et le Tribunal administratif fédéral ont rendu ces dernières années plusieurs décisions qui vont à l’encontre des propres directives du SEM et qui ne sont pas conformes au droit international.
S’il est admis que l’orientation sexuelle fait partie de l’identité d’une personne, au même titre que les quatre principaux motifs de persécution définissant le statut de réfugié et que les personnes étant persécutées en raison de leur orientation sexuelle font partie d’un groupe social déterminé, le traitement par les autorités suisses des demandes d’asile motivées par l’orientation sexuelle reste toutefois confus notamment eu égard à la jurisprudence européenne.
Quelque 62 pays dans le monde pénalisent l’homosexualité, dont 12 par la peine de mort. Même en l’absence de lois répressives, les personnes LGBTQ+ peuvent subir des persécutions sociales. L’article 1.A.2 de la Convention de 1951 sur les réfugiés précise que la crainte de persécution fondée sur l’appartenance à un groupe social, comme l’orientation sexuelle, justifie la reconnaissance du statut de réfugié.
Être «discret» et «raisonnable» afin d’éviter les persécutions
En Suisse, la Loi sur l’asile (LAsi) ne définit pas clairement le groupe social déterminé, mais le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) considère que l’orientation sexuelle est un élément fondamental de l’identité. Malgré cela, la Suisse impose souvent un «devoir de discrétion» aux demandeurs d’asile, leur demandant de mener une vie «discrète» et «raisonnable» pour éviter des persécutions après leur renvoi dans leur pays. Ce concept va à l’encontre de la jurisprudence européenne qui a jugé que la possibilité de dissimuler et de restreindre l’expression de l’orientation sexuelle et/ou de l’identité de genre n’est pas pertinente dans l’examen de la persécution. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont toutes deux affirmé que l’orientation sexuelle est une caractéristique fondamentale de l’identité d’une personne qui ne devrait pas être dissimulée.
Des exemples concrets illustrent les incohérences de la pratique suisse. Le cas de celui que nous appellerons Maxime, un homme persécuté pour son homosexualité, montre les défis auxquels font face les demandeurs d’asile qui doivent prouver leur orientation sexuelle. Maxime n’a pas pu fournir de preuves documentaires de sa persécution. Il est en effet rare qu’une personne homosexuelle annonce aux autorités la persécution dont elle fait l’objet pour la documenter officiellement, alors que ces autorités punissent l’homosexualité. Mais le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a rejeté la demande de Maxime, considérant son récit invraisemblable.
Critiques d’instances internationales
La Suisse a également été critiquée par des instances internationales comme la CEDH et le Comité de l’ONU contre la torture pour ne pas respecter le principe de non-refoulement, qui interdit de renvoyer une personne vers un pays où elle risque des persécutions. La Suisse devrait apporter des modifications significatives conformes au droit international dans le traitement de ces demandes d’asile, notamment en cessant d’accorder une place de choix au devoir de discrétion et en tenant compte de la pression psychologique insupportable causée par celui-ci.
Écrit par Arline Set, responsable de la Coordination juridique thématique Asile-Dublin*
*La Confédération a mandaté Caritas Suisse pour la représentation et le conseil juridiques en Suisse romande. Au Tessin et en Suisse centrale, ce mandat est mené en collaboration avec SOS Ticino.
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