Aller au contenu
Notre regard

Soins dentaires | Pourquoi la Suisse arrache-t-elle les dents des réfugié·es?

Marco Danesi – Collaboration Sophie Malka (asile.ch)

Pourquoi la Suisse arrache les dents des réfugiés? Tel est le titre d’une longue enquête du média en ligne Watson publiée le 20 juillet 2025. La journaliste explique que les requérant·es d’asile, les personnes titulaires d’une admission provisoire (permis F) et les statuts S se voient souvent contraint·es à un arrachage de dents en cas de problèmes dentaires lorsque les antidouleurs ne suffisent pas et qu’elles n’ont pas les moyens de financer un traitement normal -ce qui est généralement le cas lorsqu’elles sont à l’aide sociale. Une pratique aux conséquences lourdes, tant sur le plan physique que psychologique. Les faits décrits viennent contredire les arguments fallacieux avancés par la Conseillère nationale Jacqueline De Quattro dans une motion prétendant que de nombreuses personnes « profitent » du système d’asile pour venir se faire soigner les dents en Suisse, aux frais du contribuable. Son texte, accepté par le Conseil national, sera traité par le Conseil des Etats le 15 septembre lors de sa prochaine session (voir motion ici, et sa chronique dans le Blick ici). Face aux conséquences de ces pratiques radicales, une association de médecin-dentiste demande que les titulaires d’une admission provisoire -qui vont donc rester en Suisse- puisse accéder aux mêmes prestations que les réfugié·es après trois ans de séjour.

Lire l’intégralité de l’enquête d’Hanna Hubacher : Pourquoi la Suisse arrache les dents des réfugiés, publiée le 20 juillet 2025 sur Watson

Photo de Elena Mozhvilo sur Unsplash

En Suisse, les personnes dont la demande d’asile est en cours d’examen ou qui ont reçu une protection internationale comme l’admission provisoire (permis F) ou la protection provisoire (permis S) ont droit à l’aide sociale ainsi qu’à des soins médicaux de base. Cela inclut les soins dentaires, mais uniquement s’ils sont absolument indispensables et ne peuvent plus être différés. Dans les autres cas, comme le documente une enquête du média en ligne Watson parue le 20 juillet 2025, on procède très souvent à l’arrachage des dents touchées.

La journaliste, Hanna Hubacher, a récolté les témoignages de trois personnes qui ont vécu cette expérience douloureuse, et parfois humiliante. A chaque fois, et leurs cas sont loin d’être exceptionnels selon les informations réunies par Watson, les dentistes consultés leur auraient proposé cette solution radicale comme seule option possible, à part la prise d’antidouleurs. Raison invoquée: les cantons ne couvriraient pas les frais plus élevés d’autres types de soins. Par conséquent, ces interventions ne sont pas rentables aux yeux de certains praticien·nes.

Interpellé, Peter Suter, président de l’Association des médecins-dentistes cantonaux (AMCS), note que le manque d’incitations économiques et la charge administrative sont en partie responsables de cette situation. Pour ce dernier, cependant, il n’y a pas de faille dans le système de médecine dentaire sociale. Il estime que le modèle suisse est « exemplaire ». Les dentistes évaluent d’abord les traitements nécessaires, puis vérifient si le canton ou la commune prend en charge les coûts. C’est d’ailleurs ce que recommande l’AMCS à ses membres.

Il n’en reste pas moins, indique Watson, qu’un rapport commandé en 2017 par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) sur l’accès aux soins des requérant·es d’asile conclut que les autorités accordent rarement l’autorisation de traitements pour ces derniers. Même si ces patients ne demandent pas d’avoir une dentition parfaite, mais qu’ils puissent, à court terme, vivre «sans douleur en étant capables de mâcher».

Ces pratiques restrictives dans le domaine des soins dentaires et les témoignages recueillis dans l’enquête de Watson, contredisent clairement la thèse de l’abus développée par la conseillère nationale PLR vaudoise Jacqueline de Quattro en septembre 2024, qui demandait au Conseil fédéral de prendre des mesures contre « pour endiguer le tourisme médical des migrants illégaux ». Texte retiré après la proposition de rejet du Conseil fédéral puis redéposé avec quelques modifications formelles quelques mois plus tard et adopté par le Conseil national. Le 15 septembre, le Conseil des États est appelé à se prononcer sur cette proposition. A voir si les représentant·es des cantons choisiront de s’appuyer sur des faits plutôt que sur une présentation biaisée de la réalité.