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Manon Schick | Oser l’accueil des réfugiés malgré la montée des populismes

Angela Merkel a été l’une des seules dirigeantes européennes à oser la solidarité envers les hommes, les femmes et les enfants qui fuyaient les affres du conflit syrien. «Cela fait partie de l’humanité fondamentale de notre pays d’accueillir un réfugié avec sympathie, comme n’importe quel autre être humain», déclarait-elle dans une interview au quotidien Bild.

Opinion de Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 27 septembre 2016 dans le journal 24 Heures. Cliquez ici pour lire l’opinion sur le site d’Amnesty.

Les paroles étaient suivies d’actes. La chancelière ouvrait la frontière germano-autrichienne aux réfugiés bloqués en Hongrie dans des conditions catastrophiques. Elle en paie aujourd’hui le prix fort. À Berlin il y a dix jours, son parti la CDU (Union chrétienne-démocrate), perdait pour la cinquième fois des sièges aux élections régionales au profit du parti populiste AfD (Alternative pour l’Allemagne), qui vise désormais l’entrée au Bundestag. Et Angela Merkel rencontre une opposition croissante à sa politique d’asile, y compris au sein de son parti.

Il faut dire que sur le plan international elle a été bien seule à répéter Wir schaffen das (nous y arriverons) pour encourager l’intégration de plus d’un million de réfugiés. La France a opposé une non-entrée en matière catégorique. 10’000 personnes, c’est le nombre dérisoire de réfugiés que ce grand pays qui se proclame terre d’immigration a accueilli en cinq ans. Les attentats de Paris et de Nice ont exacerbé cette posture de repli. Que dire de la Hongrie, qui a construit un mur long de près de 200 kilomètres le long de sa frontière avec la Serbie et la Croatie? De l’Autriche, qui l’a imitée en érigeant des barbelés sur le Brenner tout en adoptant une loi qui restreint drastiquement le droit d’asile? Ou de la Grande-Bretagne, qui s’est éloignée d’un projet de solidarité sur la question de l’asile à mesure qu’elle s’enfonçait dans le Brexit?

Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que les rencontres européennes ou internationales sur les réfugiés aient échoué les unes après les autres. Lors du dernier sommet des dirigeants à New York, le président Obama a annoncé l’accueil de 360’000 réfugiés par 50 pays. Peu de choses au regard des 65 millions de réfugiés et de déplacés que compte aujourd’hui le monde. Et surtout ce chiffre masque mal l’absence d’un système mondial de partage des responsabilités dans lequel les pays riches s’engageraient de manière plus équitable.

Face à cette impasse et dans le contexte d’une montée des populismes en Europe, Amnesty International a plus que jamais à cœur de plaider en faveur d’un politique d’asile généreuse. La semaine dernière l’organisation lançait une campagne qui demandait au Conseil fédéral d’accueillir d’avantage de réfugiés, notamment en respectant les promesses faites en 2015: celle de soulager la Grèce et l’Italie de 1500 requérants d’asile, et celle d’accueillir 1500 réfugiés particulièrement vulnérables en provenance de Syrie.