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Notre regard

Le Courrier | Une pièce de théâtre mise à l’index par l’UDC

320 élèves genevois ont assisté aux représentations de la pièce Babel 2.0 sur le thème de la migration. L’UDC dénonce une «propagande pro-migrants» virant au «délire anti-suisse».

Article de Christiane Pasteur, publié dans Le Courrier, le 8 février 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Dans une question écrite urgente adressée au Conseil d’Etat genevois, le député UDC Stéphane Florey dénonce une «propagande pro-migrants» virant au «délire anti-suisse». «L’école genevoise de l’intégration et du multiculturalisme met les nerfs des parents à rude épreuve, qui déplorent, impuissants, l’endoctrinement post-soixante-huitard dont sont victimes les enfants», annonce-t-il en préambule.

La raison de son courroux? La représentation d’une pièce de théâtre jouée par une vingtaine de réfugiés et requérants d’asile à laquelle ont assisté des élèves du Collège et Ecole de commerce André-Chavanne, le 25 janvier dernier.

«Sur scène, les migrants se sont plaints de leurs conditions d’hébergement en abris PC, de la qualité des repas. Bien sûr que ce n’est pas drôle, mais en même temps ils sont nourris et logés», déclare Stéphane Florey au Courrier.

Question sur le vote UDC

Le député n’a pas assisté à la pièce, il ne connaît d’ailleurs pas son titre, mais a recueilli les doléances d’un élève et de ses parents (ndlr: sollicités, ils n’ont pas souhaité témoigner directement). Et visiblement ce qui les a surtout choqué, c’est lorsqu’il a été demandé aux élèves de se lever s’ils avaient quatre grands-parents d’origine suisse.

«Puis on leur a demandé qui parmi eux votait ou était issu d’un famille votant UDC», affirme encore Stéphane Florey, dénonçant à la fois une stigmatisation des Suisses et une chasse aux sorcières.

A guichets fermés

«Effectivement, nous posons la question de savoir qui parmi les élèves ne sont pas nés en Suisse, dont les parents ne sont pas nés en Suisse, dont les grands-parents ne sont pas nés en Suisse. Cela montre la diversité et la richesse culturelles de la population genevoise et que même avec un passeport suisse on peut avoir des antécédents migratoires», reconnaît Lena Strasser, formatrice d’adulte spécialiste en migration, qui a créé Babel 2.0 aux côtés de la metteure en scène Iria Diaz et de Martina Ambruso, spécialisée dans les questions de l’asile.

La pièce était pour la deuxième fois à l’affiche du Théâtre de la Parfumerie, entre fin janvier et début février. Quatorze représentations à guichets fermés et 1400 spectateurs, dont 400 élèves, avec l’autorisation de leurs parents.

[caption id="attachment_37658" align="aligncenter" width="1024"] Babel 2.0 sur les ondes de la RTS:  » ‘Vivre ensemble’, un projet théâtral pour l’intégration des réfugiés », le 29.01.2017.[/caption]

>> Lire l’article paru dans Le Courrier le 14 juin 2016: Renverser l’espace-temps

Ces questions ne font pas partie du spectacle en lui-même, mais de ce que Lena Strasser appelle les «bords de scène», un moment d’échanges après la représentation, avec le public intéressé à rester. «L’ambiance est bienveillante, souvent les jeunes sont touchés. Tout à coup ils réalisent que ces migrants ont le même âge qu’eux, qu’ils vivent parfois sous leurs pieds et que se regarder en chiens de faïence n’est pas la seule attitude possible.»

«Nous n’avons jamais posé cette question»

Ne trouve-t-elle pas la question sur qui vote UDC déplacée? «Nous ne l’avons jamais posée», se défend Lena Strasser. «Ce soir-là, des jeunes dans le public ont demandé, comme c’est souvent le cas, ce qu’ils pouvaient faire. Et une personne a alors rebondi en disant que ne pas voter UDC était un premier pas. Elle a ensuite demandé qui votait UDC. Moi-même j’ai trouvé cela malvenu, d’ailleurs nous n’avons pas relevé et poursuivi. Mais je conçois que quelqu’un ait pu se sentir stigmatisé dans ce contexte.»

Nous n’avons pas été autorisés à recueillir le point de vue des enseignants. Quant à la conseillère d’Etat en charge du Département de l’Instruction publique (DIP), Mme Emery Torracinta, elle réserve la primeur de ses réponses aux députés. Quoi qu’il en soit le DIP a soutenu le spectacle.

«Il est un vecteur idéal pour sensibiliser les jeunes des classes du secondaire I et II à la thématique de la migration et de l’asile à Genève», peut-on lire sur son site internet. «En plaçant l’être humain au centre de la réflexion artistique, ce spectacle est un outil idéal de partage et de réflexion avec les élèves-spectateurs sur un sujet bien souvent abîmé par les médias.»