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Notre regard

Editorial | Comment sortir du cercle vicieux?

La Suisse s’est évité de justesse la honte d’adopter un article constitutionnel qui aurait ouvertement proclamé son hostilité au droit d’asile. Ouf! Pourtant le soulagement n’est guère de mise, car si la Suisse s’est évité une catastrophe politique, du point de vue des réfugiés la facture pourrait se payer au prix fort.

Tout porte à croire, en effet, qu’après avoir eu si peur d’un succès de l’Union démocratique du centre (UDC) à un an des élections fédérales, les partis du centre droit pousseront à un durcissement supplémentaire du projet de loi rendu public en septembre dernier.

On perpétuera ainsi ce cercle vicieux qui voit, de révision en révision, les autorités fédérales et leur majorité parlementaire se rapprocher toujours plus de l’UDC pour endiguer sa montée en force, sans se rendre compte que c’est cette collusion qui finit par banaliser les idées les plus extrêmes. Si un peu d’esprit critique animait les têtes pensantes de la politique fédérale, elles devraient pourtant se rendre compte que quinze années de durcissements incessants au chapitre de l’asile n’ont réussi ni à résoudre la problématique de l’asile, ni à calmer les inquiétudes du public. Ne serait-il pas temps d’aborder ces questions autrement?

Beaucoup de citoyens ont été tentés par le vote UDC parce qu’ils se sont entendus dire continuellement que nous avions beaucoup plus de demandeurs d’asile que les autres pays, que plus de 90% n’avaient pas de motifs valables et que les coûts de l’asile étaient disproportionnés. Sur de telles bases, comment s’étonner que le citoyen moyen exprime son ras-le-bol. Le problème c’est que toutes ces données sont fausses. Et le drame, c’est que ce n’est pas l’UDC qui a inventé ce discours, mais bien l’Office fédéral des réfugiés (ODR) qui a développé depuis des années cette information tendancieuse pour justifier ses propres projets de restrictions.

Affolé par les sondages, l’ODR a fini, très tard, par critiquer lui-même les chiffres trompeurs qu’il avait fourni à l’UDC. Non, nous n’avons pas plus de demandes d’asile qu’ailleurs, car les autres pays ne comptent pas par personnes mais par familles et écartent certains groupes de réfugiés de la violence.

Non, il n’y a pas plus de 90% de demandes infondées, car il faut ajouter à ceux qui obtiennent l’asile tous ceux qui sont admis provisoirement et les décisions négatives dues à un changement de situation dans le pays d’origine après le dépôt de la demande d’asile. Quant aux coûts de l’asile, ce n’est pas le droit d’asile qui les provoque mais l’interdiction de travailler qui oblige des milliers de personnes à dépendre de l’assistance, mais cela l’ODR peine encore à le reconnaître.

Si l’on voulait bien donner sur ce plan une information plus claire, l’étau xénophobe finirait par se desserrer. Mais ceux qui prônent une nouvelle révision risquent bien de reprendre leurs mauvaises habitudes: noircir la réalité, au risque d’ancrer encore plus la xénophobie dans le débat public. Arrêter ces apprentis sorciers est pour nous la première des priorités.

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