Editorial | Aide d’urgence
Depuis le début de l’année, la dureté de la nouvelle législation s’applique dans toute son ampleur. Changement le plus visible, et le plus concret: le fait de couper les vivres à tous les déboutés de la procédure d’asile en leur retirant l’aide sociale qu’ils touchaient jusque là, pour les inciter à «disparaître». Ne reste plus pour eux qu’une «aide d’urgence» minimale, qui vise à les pousser dans la clandestinité.
Il faut le dire, la méthode a eu un certain succès à l’encontre des personnes frappées de non-entrée en matière (NEM), qui l’ont expérimentée depuis le 1er avril 2004. Quelques 10’000 personnes ont bel et bien plongé dans la clandestinité. Cela pose de multiples problèmes sociaux, sanitaires, sécuritaires et autres, mais cela n’a pas empêché Christoph Blocher de se féliciter de la baisse du nombre des personnes à la charge de l’asile. Les «disparus» ne sont plus dans les statistiques.
Les personnes frappées de NEM étaient surtout des célibataires. A l’avenir, la suppression de l’aide sociale va aussi viser des familles et des malades. Dans ce numéro, un médecin nous alerte sur les répercutions négatives de ces mesures sur ceux qui sont fragiles psychiquement. Après avoir poussé vers la prison ceux qui préféraient se débrouiller tous seuls à coups d’expédients, l’aide d’urgence va-t-elle pousser les malades à l’hôpital psychiatrique?
Un autre problème se pose désormais avec ceux qui ont introduit une demande de réexamen et qui ont obtenu de l’autorité fédérale le droit de rester en Suisse jusqu’à la décision. Ceux-là sont en Suisse légalement, et l’expérience montre que beaucoup de ces demandes aboutissent positivement. A l’avenir, ces personnes en procédure de réexamen seront tout de même privées d’aide sociale et poussées à s’en aller. Des courriers officiels leur font même croire qu’ils sont tenus de quitter la Suisse.
Pour tenir, il leur faudra compter sur l’aide des réseaux d’entraide. S’ils disparaissent avant la décision, leur dossier sera définitivement classé. A Soleure, un homme a tenu trois ans et demi, porté à bout de bras par divers groupes de solidarité, avant de voir le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT) intervenir auprès de la Suisse en soulignant que la décision de renvoi et de NEM prise contre lui, violait la Convention des Nations Unies contre la torture. Il nous raconte ce qu’a représenté pour lui cette épreuve.
Aide d’urgence? Oui, il y a urgence à apporter notre aide à ces laissés pour compte de notre politique d’asile.
Yves Brutsch