Editorial | Zoom sur les centres de détention
Placements prolongés en cellule disciplinaire durant cinq mois de détention, suppressions de promenade, mains entravées. Le traitement réservé par le centre de détention administrative de Granges, en Valais, à un requérant d’asile sans doute violent, mais visiblement perturbé, avait de quoi choquer.
Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) s’en est indigné dans son rapport sur la Suisse publié en novembre. Il estime que le traitement subi «pourrait s’apparenter à un traitement inhumain et dégradant».
Alors que «le retenu se manifestait par des cris ou des chants, des nuits durant, (…) par de très longues douches à toute heure du jour et de la nuit», jamais aucun psychiatre n’a été appelé à le rencontrer. «Inutile» avaient alors jugé le directeur et le médecin de Granges.
Si le cas décrit par le CPT est sidérant, la justification donnée a posteriori par l’Etat du Valais à ces critiques l’est tout autant. Pour être efficace, écrit le Service de la population et des migrations, la consultation aurait nécessité un psychiatre parlant la langue du détenu. Autrement dit, comme ils n’en avaient pas un sous la main, ils ont choisi la méthode dure!
Un autre regard
Il y a toujours à apprendre d’un regard extérieur. Dans ces territoires d’exception que sont les camps de «rétention» et zones de transit aéroportuaires, les tenanciers préfèrent l’ombre à la lumière. Surtout lorsque derrière ses murs d’enceinte, l’appareil étatique applique à des hommes, femmes et enfants -qui n’ont, rappelons-le, commis aucun délit pénal- des restrictions aux droits les plus élémentaires.
Dès lors, l’intérêt du rapport du CPT réside tant dans ses observations et recommandations que dans l’obligation pour la Suisse de lui rendre des comptes. La «réponse» helvétique publiée est donc très instructive. Dans ses déclarations, comme dans ses non-dits.
Du dit et du non-dit
Ainsi, interpellé sur l’«inadéquation totale des moyens» pour gérer au quotidien l’allongement des durées de détention -de 1 an à 2 ans pour les centres de détention de Frambois et Granges et de 25 à 60 jours à l’aéroport-, le Conseil fédéral ne se prononce que sur la zone de transit. Sa réponse: un réaménagement est prévu au premier semestre 2009. Le rapport date de mars 2008!
Autre exemple: son refus d’améliorer l’interface avec les services de santé mentale, comme le recommande le CPT,qui souligne les besoins accrus au sein de cette population. Les deux tentatives de suicide à Frambois (voir en page 4) sont pourtant des signaux clairs des drames à venir. Comble d’ironie, Frambois était cité en exemple par le CPT pour sa gestion si humaine!
Une évolution inévitable? Le Conseil national a voté en 2006 l’allongement d’une détention administrative dont il connaissait l’inefficacité au-delà de 3 mois. L’écueil est donc structurel. Dès lors, au vu des violations systématiques induites par cette législation, la seule mesure raisonnable et humaine à prendre aujourd’hui est de l’abolir.
Sophie Malka