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Amnesty / OSAR | Changer de paradigme dans la politique d’asile

Communiqué OSAR / Amnesty, Berne, le 13 novembre 2012

Il est temps – pour un changement de paradigme dans la politique d’asile

Sous le titre «Il est temps», Amnesty International et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés présentent neuf propositions pour une procédure d’asile équitable, crédible et efficace. Des procédures courtes avec une assistance juridique professionnelle pour les requérants d’asile, des conditions de logement dignes avec un encadrement professionnel, des aides au retour, l’abandon des renvois forcés dans une large mesure et un contrôle de la qualité par la société civile en constituent les points essentiels.

Amnesty International et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR ont la conviction qu’une politique d’asile équitable, efficace et crédible n’est possible que si les politiques brisent le cercle vicieux des révisions de la loi sur l’asile et des référendums lancés pour les contrer. «Les durcissements permanents de ces dernières années n’ont pas eu d’effet dissuasif, mais uniquement des conséquences négatives pour les réfugiés et leur intégration en Suisse», constate Manon Schick, directrice générale de la Section suisse d’Amnesty International. Manon Schick se déclare convaincue qu’un changement de paradigme est nécessaire pour mener une meilleure politique d’asile, qui puisse rencontrer l’adhésion de la population.

Les deux organisations veulent initier ce changement de paradigme avec un plan en neuf points intitulé «Il est temps», qui contient des propositions concrètes pour une politique d’asile équitable et digne. Ce plan part des prémisses selon lesquelles la procédure n’est pas un instrument de politique migratoire, mais doit servir la protection des réfugiés. Par conséquent, les autorités ne peuvent se contenter de prioriser les cas voués au refus. Les cas dont on peut prévoir une issue positive doivent également être traités rapidement afin d’augmenter les chances d’intégration des personnes concernées. «A cette fin, la procédure d’asile doit gagner en efficacité, équité et transparence», demande Susanne Bolz de l’OSAR. «Cela nécessite des déroulements clairement structurés avec des délais contraignants mais réalistes pour toutes les personnes concernées. Les requérants d’asile doivent pouvoir se préparer à la procédure et recevoir pour cela les informations nécessaires. Ils doivent par ailleurs recevoir une assistance juridique indépendante et professionnelle.» Selon Susanne Bolz, «la protection juridique ne doit plus être considérée comme un mal nécessaire, mais comme un élément obligatoire d’une procédure équitable et conforme à l’état de droit. La procédure doit être transparente et la société civile présente à toutes ses étapes. Cela nécessite un changement d’attitude et une disposition au dialogue de la part des autorités.»

Une des principales demandes de Denise Graf, spécialiste de l’asile à la Section suisse d’Amnesty International, a trait au logement des requérants d’asile, qui doit être décentralisé et préserver leur dignité. Selon elle, il faut prendre en compte les besoins spécifiques des familles, des personnes traumatisées et des malades. Un encadrement professionnel comprenant un quotidien structuré et un programme d’occupation favoriserait non seulement l’intégration, mais augmenterait aussi la sécurité. Les exemples de Chiasso et Vallorbe en attestent. Les requérants d’asile déboutés doivent en outre bénéficier de conseils et d’une aide au retour. Selon Denise Graf, des expériences prouvant l’efficacité de cette manière de faire ont déjà été faites. Le projet d’aide au retour mené dans le cadre du dialogue sur les migrations Suisse-Nigéria a profité à 90% des requérants déboutés, qui sont effectivement rentrés dans leur pays. De telles mesures permettent également de faire baisser les coûts. «Une procédure d’asile équitable et crédible doit donner la priorité à un traitement respectueux et humain des personnes qui ont dû fuir chez nous. C’est la meilleure contribution à la paix sociale et à la maîtrise du problème. Notre société a tout à y gagner», constate Denise Graf.

Il y a aujourd’hui environ 15 millions de réfugiés dans le monde, dont 2,3% seulement cherchent refuge en Europe. Ces chiffres sont cités par Joel-Noel Wetterwald, qui a longtemps été collaborateur du HCR, pour replacer la «problématique de l’asile» en Suisse dans une juste perspective. Le pays du monde ayant connu le plus de demandes d’asile l’an dernier est l’Afrique du Sud, avec 100’000 réfugiés contre 320’000 pour l’ensemble de l’Europe. Certains Etats veulent déjà introduire des procédures d’asile analogues au modèle suisse ou européen, explique Jean-Noel Wetterwald. Le but premier de ces procédures n’est pas d’offrir une protection aux réfugiés, mais de les renvoyer le plus vite possible, même lorsque les droits humains ne sont pas suffisamment respectés dans leur pays d’origine. Selon lui, une érosion du droit d’asile à l’échelle mondiale ne ferait qu’accentuer les problèmes que connaissent la Suisse et l’Europe. Notre gouvernement devrait donc assumer la difficile responsabilité de répondre aux craintes compréhensibles des citoyennes et citoyens, sans renforcer un modèle que l’on ne souhaiterait pas voir copié ailleurs

Neuf propositions pour une procédure d’asile efficace, équitable et crédible

1. Efficacité : une procédure rapide avec un déroulement clair
La procédure pour les cas simples, qui ne nécessitent pas de clarifications particulières, est accélérée. Toutes les parties concernées (requérant∙e∙s d’asile, représentant∙e∙s légaux, ODM, Tribunal administratif fédéral) ont le même temps à leur disposition. Les délais sont contraignants pour toutes les parties concernées. Des procé- dures courtes, équitables et crédibles profitent à toutes les personnes impliquées et suppriment les coûts inuti- les.

2. Equité : une protection juridique professionnelle et indépendante pour toutes et tous
Pour qu’une procédure accélérée puisse être mise en place, une information préalable et de qualité sur son dé- roulement est indispensable de même qu’une protection juridique améliorée pour les requérant∙e∙s d’asile. Tout au long de la procédure, ces derniers doivent avoir accès à une représentation et à un conseil juridiques professionnels et indépendants. La mise en place d’un tel modèle de protection juridique garantit le respect des droits procéduraux. Elle accélère aussi la procédure dans la mesure où l’exposé des faits est établi de ma- nière plus complète et où les décisions sont mieux comprises et acceptées.

3. Crédibilité : sécurité du droit et égalité devant la loi pour toutes et tous
Le but de la procédure d’asile est de déterminer si une personne a besoin ou non de la protection de la Suisse. Une procédure de qualité et efficace permet une décision rapide et juste, déterminée au cas par cas. La re- cherche de l’efficacité ne prétérite pas le droit de recours et respecte les principes juridiques de la procédure administrative.

4. Un hébergement décentralisé et humain
L’hébergement proposé respecte les droits humains. Les requérant∙e∙s d’asile ne sont pas isolé∙e∙s, l’hébergement est conçu de manière à garantir les droits fondamentaux des personnes concernées et à favori- ser leur intégration ou, le cas échéant, leur capacité de retour au pays d’origine. Les besoins des enfants et des personnes particulièrement vulnérables sont pris en compte, la vie de famille est respectée.

5. Un accompagnement professionnel qui facilite l’intégration et prévient les conflits

L’accompagnement professionnel et l’offre d’occupation sont développés et améliorés. Une telle offre ne cor- respond pas seulement aux besoins des requérant∙e∙s, mais joue aussi un rôle important dans la prévention des conflits et de la petite criminalité, contribuant ainsi à réduire les coûts sécuritaires. Des offres telles que les cours de langue ou les programmes d’occupation facilitent l’intégration. L’accompagnement social et médi- cal, assuré par des professionnel∙le∙s qualifié∙e∙s, fait partie d’un accompagnement professionnel.

6. Un service d’aide et de conseil à toutes celles et ceux qui doivent quitter la Suisse
Les personnes dont la requête d’asile a été rejetée suite à une procédure équitable doivent quitter la Suisse. Le retour volontaire est favorisé. Les requérant∙e∙s d’asile débouté∙e∙s reçoivent le soutien nécessaire afin que leur retour s’effectue dans la sécurité et la dignité. Les mesures pour l’aide et l’accompagnement en vue du re- tour sont mises en œuvre de manière intégrée et individualisée.

7. Des alternatives à la création de nouvelles places de détention
La détention est une mesure coûteuse et souvent disproportionnée, qui radicalise les positions et favorise l’escalade des conflits pendant le processus de renvoi. Elle doit donc rester une solution de dernier recours et être remplacée aussi souvent que possible par un dialogue intensif en vue du retour et par d’autres mesures de contrôle. Elle doit avoir lieu dans des institutions communautaires et non dans des prisons.

8. Les renvois inhumains doivent être évités
Les renvois de niveau IV restent exceptionnels et les renvois de niveau I et II constituent la norme. Le dialogue intensif et la collaboration avec les observateurs et observatrices indépendant∙e∙s et les centres de renvois permettent d’éviter des renvois de niveau IV, inhumains et dangereux.

9. Des garanties qualitatives à tous les niveaux
La procédure est transparente et la société civile est impliquée à chaque étape. Les différents acteurs s’efforcent d’en garantir la qualité et l’efficacité à tous les niveaux. Des mécanismes adéquats qui assurent la qualité et l’efficacité de la procédure sont mis en place. Un dialogue est établi entre les différents acteurs afin de garantir la meilleure qualité possible.

Amnesty International et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), 13 novembre 2012