Aide d’urgence | Constats d’échec et cercle vicieux…!
Vendredi 21 février 2014, le Centre de droit des migrations a organisé, à Fribourg, un colloque sur la problématique des bénéficiaires de l’Aide d’urgence (AdU) de longue durée.
Actuellement, ce régime touche environ 9000 personnes en Suisse. Le droit apporte peu de solutions.
Une trentaine de participants se sont exprimés: professeurs de droit, chercheurs, représentants de l’Office fédéral des migrations, médecins, fonctionnaires cantonaux, membres d’associations… Un regret: les demandeurs d’asile étaient absents.
Quelques pistes ont été évoquées:
- Des accords de réadmission avec les pays concernés permettraient les renvois sous contrainte. Un obstacle: le coût onéreux de cette solution. Et… quelle image de la Suisse!
- Autoriser les personnes déboutées (célibataires) à travailler quelque temps afin qu’elles rentrent chez elles, la tête haute, avec un petit pécule.
- Accorder le droit au travail en vue d’une régularisation «méritoire». Peu de consensus autour de cette proposition, le spectre de l’appel d’air surgissant aussitôt.
- Un constat unanime des participants: limiter à tout prix les effets stigmatisants de l’aide d’urgence (discriminations, vexations, humiliations…). Ils suscitent des comportements de résistance contre-productifs avec des conséquences désastreuses sur le plan humain (par ex: l’esprit de sacrifice).
Autre préoccupation commune: le sort des enfants. En 2008, on comptait pour toute la Suisse 317 mineurs soumis au régime d’aide d’urgence. Constamment en augmentation, ce nombre s’élevait à 2363 en 2012! Le 2 décembre 2013, la conseillère nationale zurichoise, Barbara Schmid-Federer (PDC) a interpellé le Conseil fédéral à leur sujet. La Suisse se doit de reconnaître sa part de responsabilité concernant leur avenir!
Petit mémo sur l’Aide d’urgence
Depuis 2008, tous les demandeurs d’asile déboutés sont exclus de l’aide sociale et n’ont plus le droit de travailler (depuis 2004 pour les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière). Ils peuvent demander une « aide » d’urgence en vertu de l’art. 12 de la Constitution fédérale, qui garantit à toute personne en situation de détresse le droit à une vie conforme à la dignité humaine.
L’aide d’urgence permet de se nourrir, d’avoir un toit pour dormir et l’accès aux soins de santé. Mais elle est conçue pour inciter les personnes soumises à ce régime à quitter la Suisse ou à disparaître dans la clandestinité (L’éradication des requérants d’asile déboutés, Françoise Kopf, VE 129).
Prévue au départ pour un court laps de temps, elle est accordée pour un mois, une semaine… un jour! La durée achevée, il faut chaque fois la renouveler. Imposant un contrôle administratif intense, l’aide d’urgence agit comme un instrument de contrainte afin d’inciter des départs «volontaires» depuis la Suisse. Cette mesure est un échec. Si de nombreux célibataires ont rejoint la clandestinité, les personnes fragiles et les familles, refusant de partir, se résignent à vivre dans cette précarité.
Malgré ce constat, le Parlement vient de renforcer cette mesure. Depuis début 2014, les cantons ont l’obligation d’appliquer l’aide d’urgence. Jusqu’ici, ils disposaient encore d’une marge de manœuvre.
Nicole Andreetta
Participante au colloque