Mobilisation | Des étudiants enseignent le français aux demandeurs d’asile
Alors doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Neuchâtel, Patrick Vincent a initié il y a 18 mois un programme de cours de français pour les demandeurs d’asile ayant quitté les foyers collectifs et n’ayant plus accès, faute de financement de la Confédération, aux cours proposés par le canton. Son succès auprès des candidats enseignants comme des apprenants montre qu’en matière de solidarité et d’engagement, les jeunes sont prêts à prendre la relève (réd.).
L’Université de Neuchâtel a son centre de compétence en migration et mobilité, qui compte parmi ses membres la juriste et conseillère nationale Cesla Amarelle ou encore le géographe Etienne Piguet, viceprésident de la Commission fédérale sur les questions de migration. Elle a désormais aussi le programme «Français pour tous», destiné aux demandeurs d’asile du canton de Neuchâtel détenteurs du permis N.
Lancé au printemps 2013 par la Faculté des lettres et sciences humaines en étroite collaboration avec le Service des migrations (SMIG) du canton, le programme a déjà aidé plus d’une centaine de personnes à apprendre les bases ou à se perfectionner en français. Les cours sont enseignés par une quarantaine d’étudiant(e)s et de collaborateurs-rices bénévoles, avec le soutien didactique de l’Institut de langue et civilisation française. Chaque année académique, une équipe d’étudiant(e)s assume la coordination du programme, aussi à titre bénévole. Grâce au volontariat et à l’infrastructure déjà en place, l’Université peut proposer un enseignement diversifié axé sur le français pratique qui ne coûte rien à la collectivité.
Tous les jours de la semaine entre 12h00 et 14h00, la Faculté des lettres se remplit d’une soixantaine d’apprenants qui suivent jusqu’à trois cours par semaine de grammaire, de laboratoire de langue, d’atelier de conversation et même d’initiation à l’alphabétisation (avec la méthode Alphax). Le programme a été mis en place pour développer le sens de l’engagement de la communauté universitaire et pour combler un vide au niveau de l’offre cantonale en matière d’accompagnement des migrants. En effet, si des cours de français financés par la Confédération sont offerts aux requérants en premier accueil, il n’y a à présent aucun budget prévu pour les personnes en deuxième accueil, qui vivent éparpillés à travers le canton en attendant que leurs demandes soient traitées à Berne. Issus de pays aussi divers que l’Erythrée, l’Afghanistan, la Syrie, le Nigeria, ou encore le Tibet, ils ont des parcours de vie et des compétences linguistiques très hétérogènes, mais tous sont extrêmement enthousiastes à la possibilité de venir à l’Uni. Le programme ne facilite pas seulement leur intégration, mais les aide aussi à sortir de leur isolement et à donner plus de structure à leurs emplois du temps. Les apprenants viennent très régulièrement au cours, parfois même avec leurs enfants. Ils y participent activement, demandent souvent de pouvoir suivre des heures supplémentaires, et regrettent vivement la fin du semestre. Comme quoi les étudiants de chez nous ont beaucoup à parfaire!
L’enrichissement est réciproque, puisque les enseignant(e)s bénévoles ont l’occasion de participer à une magnifique expérience humaine et à développer leur connaissances pratiques. Le programme bénéficie depuis ses débuts de l’expérience d’un enseignant de français à la retraite, et beaucoup de nos bénévoles se préparent à des carrières dans l’enseignement ou touchant à la migration. De manière assez intéressante, un bon nombre d’entre eux sont des «secundo», des binationaux ou des étudiants étrangers. Tous se disent enchantés de la qualité d’échange avec les apprenants, ce qui peut être confirmé par le nombre important de bénévoles qui se réinscrivent chaque année et par l’afflux de nouvelles demandes. Le succès est tel que les coordinatrices et le SMIG recherchent actuellement d’autres moyens de développer nos prestations. Chaque semestre se clôt par une cérémonie de remise des attestations, suivi d’un buffet multiculturel où apprenants et enseignants contribuent avec des plats de leurs pays. La démarche a été suffisamment originale pour attirer l’attention des médias, qui y ont déjà consacré une dizaine d’articles ou de reportages. Les conversations en français, les nouvelles amitiés qui se sont liées au long du semestre, et surtout la fierté qui se lit dans les regards des uns et des autres lors de cette cérémonie sont la consécration du programme «Français pour tous».
Patrick Vincent
Art. 4 Intégration (Loi sur les étrangers, état au 1er février 2014)
- L’intégration des étrangers vise à favoriser la coexistence des populations suisse et étrangère sur la base des valeurs constitutionnelles ainsi que le respect et la tolérance mutuels.
- Elle doit permettre aux étrangers dont le séjour est légal et durable de participer à la vie économique, sociale et culturelle.
- L’intégration suppose d’une part que les étrangers sont disposés à s’intégrer, d’autre part que la population suisse fait preuve d’ouverture à leur égard.
- Il est indispensable que les étrangers se familiarisent avec la société et le mode de vie en Suisse et, en particulier, qu’ils apprennent une langue nationale.