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Le Courrier | Qui trouvera un lieu pour les requérants du Grütli?

Autorisés à rester jusqu’à lundi au Grütli, les migrants et les sympathisants opposés à l’hébergement dans les abris PC appellent à manifester samedi.

Article de Pauline Cancela, paru dans Le Courrier, le 19 juin 2015. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Après quatre nuits passées au Grütli, la question d’un nouveau lieu devient pressante pour les requérants d’asile déboutés opposés à leur transfert dans un abri PC. Le mouvement initié ce lundi à Genève contre l’hébergement de migrants dans des bunkers, désormais constitué en Collectif d’occupation du Grütli, pourra encore passer le week-end dans le théâtre, la Ville de Genève ayant prolongé son autorisation. Avant cette échéance, les tractations vont bon train pour trouver un nouveau refuge aux manifestants.

Hier, le collectif a rencontré pour la seconde fois Ueli Leuenberger, nommé médiateur par la municipalité1. Les militants ont jusqu’à midi aujourd’hui pour décider s’ils acceptent l’offre de la Ville de Genève consistant à les déplacer pour dix jours dans des locaux situés sur le quai du Seujet. Contactés, ni M. Leuenberger ni la commune ne souhaitent confirmer ces informations pour le moment.

La Ville propose ses locaux

Toutefois, selon Aude Martenod, de Solidarités, il s’agit de bureaux vides appartenant à la Ville et devant bientôt accueillir Cité-Senior. La surface représenterait 250 m2. «Il  y a la possibilité de cuisiner et de dormir. Il y a des toilettes mais pas de douches. Dix jours, ce n’est pas idéal, il faudrait une solution pour l’été», commente Viviane Luisier, de Solidarité Tattes.
Dans l’après-midi, de hauts responsables de l’Eglise catholique romaine se sont également rendus au Grütli pour rencontrer les migrants. Une démarche informelle, nous précise-t-on à l’interne de l’institution. «Ils disent faire tout leur possible pour trouver une paroisse susceptible de nous accueillir», poursuit Mme Luisier.

Plus de quarante requérants d’asile déboutés et célibataires ont dormi au deuxième étage du théâtre entre mercredi et jeudi, rappelle Pablo Cruchon, permanent de Solidarités. Ils font partie des 80 à 90 personnes que l’Hospice général a décidé de transférer du foyer des Tattes dans des abris de la protection civile. L’opération a débuté vendredi dernier et vise à libérer de l’espace pour accueillir des familles, selon l’Hospice.

Impossible pourtant de déterminer le nombre exact de requérants ayant rejoint le mouvement de protestation et la part de ceux qui ont obtempéré. Nous n’avons pas réussi à obtenir des chiffres clairs de la part de l’institution.

Caserne des Vernets?

D’après un communiqué de la Ville de Carouge, une quarantaine de personnes sont actuellement hébergées à la PC d’Anevelle. Propriétaire de l’abri, la commune évoque son «malaise» face à la situation et, soutenue par la Ville de Genève, invite le Conseil d’Etat à ouvrir la caserne des Vernets.

«Les conditions dans lesquelles ces personnes sont accueillies dans un abri ne sont pas satisfaisantes et doivent nous imposer, collectivement, la recherche de solutions plus acceptables humainement.»

Impossible, martèle le conseiller d’Etat Mauro Poggia. «Nous avons déjà envisagé cette option, mais l’armée refuse.» Face à la mobilisation qui prend de l’ampleur, le magistrat affirme étudier toutes les options. Le médiateur de la Ville, Ueli Leuenberger, doit rencontrer aujourd’hui ses services. «Cela fait plusieurs semaines que nous avons identifié des parcelles, mais à court terme, je n’ai pas d’alternative. Il y a ces abris qui me semblent convenir provisoirement à des personnes qui n’ont pas encore dû y vivre.»

Pas de sanctions

Remonté contre le mouvement de protestation, M. Poggia n’a pas l’intention de sanctionner les migrants mobilisés en leur retirant l’aide d’urgence. «Tant qu’un dialogue est en cours, je n’entends pas faire pression inutilement», assure-t-il.

Du côté juridique, 21 oppositions ont déjà été déposées à l’Hospice général contre la décision de transfert. Par ailleurs, les militants vont adresser  une plainte formelle aux organisations internationales et aux Nations Unies, réunies ce week-end à Genève à l’occasion de la Journée mondiale pour les réfugiés.

Le collectif a de plus en plus de soutiens d’élus politiques et, depuis hier, l’appui officiel de Caritas et du Centre social protestant. Les deux organismes constatent «un manque d’anticipation regrettable» de la part du canton, sachant que la pénurie de places d’accueil «n’est ni nouvelle ni inattendue». «Ce n’est pas seulement le cas des personnes transférées cette semaine qui se joue, mais bien la capacité d’accueil de notre canton dans les années à venir», estiment les deux œuvres d’entraide.

Grande manifestation samedi

Alors que plusieurs défilés spontanés ont eu lieu en Ville depuis lundi, réunissant plusieurs centaine de sympathisants, la police semble déterminée à ne pas mettre de l’huile sur le feu. Aucune intervention n’a eu lieu pour le moment. En revanche, le suspense reste entier concernant samedi. Le collectif invite à une grande manifestation qui doit partir de la place Bela-Bartok à 16h. Les Lausannois du refuge de Saint-Laurent sont attendus. Histoire de pimenter un peu la Fête de la musique. I

Contrairement à ce que Le Courrier a affirmé hier, ce n’est pas le canton, mais bien la Ville de Genève qui a nommé Ueli Leuenberger,
conseiller national vert, en tant que médiateur.

«Plus de cent repas par jours»

De l’organisation et de la volonté. Telle est la recette des manifestants qui occupent le Théâtre du Grütli depuis lundi et entamaient hier leur quatrième nuit au deuxième étage. Organisé, le mouvement assure une permanence de quarante personnes au moins au théâtre et garantit trois repas quotidiens. C’est d’ailleurs une véritable cuisine en plein air que les manifestants ont installée sur la place Béla-Bartók, devant le Grütli.

Victuailles et grosses marmites pleines attendent les migrants et leurs soutiens lorsqu’arrive 13h et l’heure du repas. «On sert près de cent personnes chaque fois», raconte un membre du collectif Sans-Retour. «On récupère les invendus dans des épiceries, des supermarchés, ou encore au marché aux légumes de Plainpalais. Des gens sont venus spontanément nous faire un don. Le reste est complété par nous tous, selon les moyens de chacun», poursuit-t-il.

Mais hier, une partie des requérants déboutés, musulmans, n’ont pas eu la joie de profiter du copieux diner. Et pour cause, le jeûne du Ramadan a commencé hier, ramenant une contrainte supplémentaire sur le camp. Les visages de certains étaient plutôt fatigués dans l’après-midi, et le parvis du Grütli un peu désert. C’est qu’une partie des migrants ont trouvé refuge au parc des Bastions pour une sieste salvatrice. A 18h hier soir, le mouvement était à nouveau gonflé à bloc. Les pratiquants devaient distribuer des tracts à la mosquée de Genève pour sensibiliser la communauté musulmane à leur situation.

Alan Bernigaud/PCA