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humanrights.ch | Restructuration: une expertise critique la procédure accélérée

Des procédures d’asile accélérées sont testées depuis janvier 2014 au centre fédéral «Juch» à Zurich. Alors que cette phase test n’a jusqu’ici soulevé que peu de débats, une expertise sollicitée par les Juristes démocrates de Suisse (JDS) soulève plusieurs problèmes. Rédigée par l’experte du droit de la migration de l’Université de Lucerne, Martina Caroni, l’étude met en doute la constitutionnalité de divers aspects de la procédure de test, en particulier sous l’angle du droit à une procédure équitable.

Article paru sur la plateforme humanrights.ch, le 16 février 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur la plateforme humanrights.ch.

Une restriction massive de l’accès au droit

«La représentation juridique déjà mise en place pourrait ne pas compenser suffisamment, dans le système prévu, la restriction des droits constitutionnels de procédure que ce système comporte», dénoncent les JDS dans un communiqué de presse paru en novembre 2014. Les JDS s’opposent depuis le début à plusieurs aspects, aussi bien formels que matériels. La révision de la loi sur l’asile avait été soutenue presque à l’unanimité par les parlementaires de la gauche et par celles et ceux défendant des valeurs libérales et sociales. Les JDS considèrent toutefois qu’il est peu productif de tolérer sans critiques la forte restriction de l’accès au droit et à une procédure obéissant aux formes de la justice. C’est pourquoi ils refusent un nouveau démantèlement d’une procédure d’asile efficace et équitable et rejettent la dernière révision de la loi sur l’asile.

Nouvelle loi sur l’asile

La Confédération teste en ce moment même le système de la procédure d’asile accélérée dans un centre à Zurich. Les Chambres fédérales ont autorisé cette phase le 28 septembre 2012, en adoptant une révision urgente de la loi fédérale, permettant au Conseil fédéral de régler par voie d’ordonnance l’aménagement de la procédure d’asile dans le but d’évaluer de nouvelles procédures ( appelée «ordonnance sur les phases de test»). Lors de la session d’automne 2015, le Parlement a décidé de transférer l’ordonnance sur les phases de test dans la loi sur l’asile. Les Chambres ont en outre adopté plusieurs durcissements de la loi sur l’asile, tel que les très controversés centres pour «requérants récalcitrants» (voir notre article sur le sujet).

La révision adoptée en 2015 réduira la procédure d’asile à 140 jours maximum, y compris avec le délai de recours. Les requérant-e-s d’asile seront amenés à passer l’entier de la procédure dans des centres fédéraux. Afin de garantir que la procédure suive un cours légal malgré une restriction du temps de recours, la nouvelle loi prévoira le droit à une assistance juridique gratuite.

En effet, l’UDC, qui s’est dite contraire à l’octroi de l’assistance juridique gratuite, récolte des signatures en vue d’un référendum.

Ce que dénonce l’expertise

L’expertise rédigée par Martina Caroni conclut entre autres que l’indépendance de la consultation et de la représentation juridique n’est pas suffisamment garantie dans la cadre de la phase test. Elle relève trois problèmes: le pouvoir du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) d’avoir le dernier mot dans le choix des personnes engagées pour la consultation et la représentation juridique; l’obligation pour la représentation juridique de mettre fin à son mandat par une décision autonome et inattaquable si elle juge que le recours n’a pas de perspective; ainsi que la rémunération forfaitaire.

L’expertise relève par ailleurs que le fait de faire passer le délai de recours de 30 à 10 jours «doit être qualifié d’obstacle non raisonnablement exigible à l’accès à un tribunal et de violation de la garantie de l’accès au juge au sens de l’article 29a Cst. ainsi que de l’interdiction de formalisme excessif découlant de l’art. 29 al. 1 Cst.» Un tel raccourcissement des recours est ainsi considéré comme une violation du droit à un procès équitable.

L’expertise critique enfin durement l’hébergement obligatoire dans un centre fédéral, avec les restrictions que cela comporte. Il s’agit d’une atteinte à la liberté de mouvement dont la proportionnalité est plus que douteuse.

Nécessité d’une critique offensive

Face aux nombreux problèmes soulevés par l’expertise, les JDS se sont surpris du peu d’opposition soulevée par la phase test: «Le fait que seule la droite populiste ait émis une critique («avocats gratuits») face à la réforme du droit d’asile pourrait être un signe d’impuissance politique et de désarroi juridique», écrivent-ils. Dans son communiqué, les JDS appellent à ce que les forces progressistes en Suisse ne se laissent pas influencer par «le bourrage de crâne» des courants de la droite conservatrice et des nationalistes, qui étouffe dans l’œuf tout discours courageux et authentique au sein de la société. Les JDS demandent à toute-s les juristes, avocat-e-s ou associations professionnelles d’avocat-e-s, mais aussi à la doctrine du droit, de ne plus faire preuve de retenue, mais d’avoir le courage de s’opposer à cette évolution qui, en fin de compte, remet en cause le droit dans son entier.

Sources