Rhétorique de l’invasion et amalgames | Le Conseil de déontologie journalistique belge rend deux avis importants
Le Conseil de déontologie journalistique (CDJ), pendant belge du Conseil suisse de la presse, a rendu en octobre 2016 deux avis qui vont dans le sens de la lutte menée par le Comptoir des médias pour une information sur l’asile objective, approfondie et équilibrée.
Une «invasion» fantasmée
La première concerne la « Une » de SudPresse du 24 février 2016 qui titrait: «Invasion de migrants. La côte belge menacée!». Elle introduisait un article relatant les mesures de renforcement des contrôles aux frontières prises par la police belge, inquiète d’une possible augmentation des arrivées en cas de fermeture de la «jungle» de Calais. Pas moins de 1’008 plaintes avaient été enregistrées contre cette Une!
Dans son avis (1), le CDJ estime ces plaintes fondées. Il note que «les termes utilisés dans le titre de Une ne renvoient à aucun fait établi. Factuellement, il n’y a ni invasion, ni menace.»
Face au journal qui soutient qu’il relatait là l’opinion du ministre de l’intérieur, le CDJ estime qu’«en rendant compte de cette opinion sans la créditer, et en renforçant son caractère assertif par un point d’exclamation, le média la présente comme un fait avéré. Ce qu’elle n’est pas. Le média déroge ainsi tant à l’article 1er qu’à l’article 5 du Code de déontologie.»
Enfin, de manière plus générale, le CDJ remarque qu’«à défaut de préciser en quoi la côte belge est menacée, le titre induit que ces migrants incarnent de facto une menace», ce qui relève d’«une généralisation et dramatisation excessive».
Amalgames entre terroristes et migrants, et stigmatisation
Dans son deuxième avis (2) du 12 octobre 2016, le CDJ se penche sur une Une de La Dernière Heure qui titrait: «Exclusif. Phénomène inquiétant. Explosion des vols de cartes d’identité belges. Elles servent aux migrants et aux terroristes ».
Le CDJ constate qu’en éludant le fait qu’il s’agit d’une possibilité d’utilisation parmi d’autres, «il y a déformation d’information» et que celle-ci «crée un amalgame entre migrants et terroristes, mis sur le même pied».
Le CDJ estime aussi que le choix d’une photo représentant un grand nombre de personnes migrantes devant un barrage de policiers pour illustrer ce sujet induit «une lecture dramatisante et stigmatisante de cette information».
CAMILLE GRANDJEAN-JORNOD