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Documentation

Revue Projet | La solidarité, un délit?

«Aider un étranger à pénétrer ou à séjourner» en France est devenu un délit, à quelques exceptions près. Devrait-on accepter, sans ciller, que la France viole sa propre légalité?

Article de Danièle Lochak, publié le 8 juin 2017 dans la Revue Projet. Cliquez ici pour lire l’article dans son intégralité sur le site de la revue.

Aucun texte, bien sûr, n’incrimine la solidarité. Mais l’expression a été popularisée lorsque, en mai 2003, 354 organisations et près de 20’000 personnes ont apposé leur signature au bas d’un Manifeste des délinquants de la solidarité, qui constatait que «de plus en plus, ceux et celles qui défendent l’État de droit et la nécessité de l’hospitalité sont menacés de poursuites, quand ils ne sont pas mis en examen, par exemple pour avoir seulement hébergé gratuitement un étranger en situation irrégulière». Et le Manifeste concluait: «Nous déclarons avoir aidé des étrangers en situation irrégulière. Nous déclarons avoir la ferme volonté de continuer à le faire […]. Si la solidarité est un délit, je demande à être poursuivi(e) pour ce délit».

Ce que la loi punit, c’est «l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger». L’infraction trouve son origine dans le décret-loi du 2 mai 1938 sur la police des étrangers. L’objectif, selon le rapport au gouvernement, était de sanctionner «toutes les officines louches, tous les individus qui, gravitant autour des étrangers indésirables, font un trafic honteux de fausses pièces, de faux passeports». L’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France reprend mot pour mot les termes employés en 1938 pour punir « tout individu qui, par aide directe ou indirecte, aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger » d’une peine d’amende et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans. Les sanctions seront aggravées par plusieurs lois ultérieures. Notamment celle du 31 décembre 1991 «renforçant la lutte contre le travail clandestin et la lutte contre l’organisation de l’entrée et du séjour irréguliers d’étrangers en France», pour laquelle les débats parlementaires montrent que le législateur n’a en vue que les réseaux organisés (passeurs, transporteurs, employeurs notamment) et ceux qui profitent, à des fins lucratives, de la détresse des étrangers.

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